En Irak, la jeunesse se soulève : "Ici, tu n’as du travail que si tu paies"

Des jeunes Irakiens discutent avec des forces de l'ordre, lors des manifestations de la semaine dernière. (Photo d'illustration)
Des jeunes Irakiens discutent avec des forces de l'ordre, lors des manifestations de la semaine dernière. (Photo d'illustration) © AHMAD AL-RUBAYE / AFP
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Théo Maneval
Un mouvement de contestation, violemment réprimé, agite l’Irak depuis une semaine. Europe 1 a pu joindre un de ces jeunes Irakiens, exaspéré par la corruption et l’absence de perspectives.

La jeunesse irakienne n’en peut plus. Depuis une semaine, des milliers d’Irakiens manifestent contre la corruption, le chômage et la déliquescence des services publics. La contestation, violemment réprimée par les forces de l’ordre, a fait officiellement plus d’une centaine de morts et plus de 6.000 blessés. Alors que Bagdad a connu un retour au calme relatif ces dernières heures, Europe 1 a pu joindre l’un de ces jeunes, en dépit des coupures de communications imposées par les autorités.

"J’ai une licence en géographie, et mon seul travail c’est de charger les courses des gens dans leur voiture"

Comme des milliers d'autres jeunes, Yacoub a commencé dès le 1er octobre à se rassembler sur la place Tahrir de Bagdad. Il a trente ans, et comme un quart de la jeunesse irakienne, peine à trouver un emploi. "J'ai une licence en géographie, et mon seul travail, c'est de charger les courses des gens dans le coffre de leur voiture. Chaque fois que je suis accepté pour un emploi dans l'administration, quand j'arrive mon nom a été rayé, et remplacé par celui de quelqu'un d'autre, qui a donné de l'argent. Ça m'est arrivé six fois ! En Irak tu n'as du travail que si tu paies !", s’insurge-t-il.

Née d'appels sur les réseaux sociaux, cette première contestation d'envergure depuis la mise en place du gouvernement d'Adel Abdel Mahdi, il y a près d'un an, n'émane d'aucune organisation politique ou religieuse. "Certains veulent changer tout le gouvernement. D'autres sont là parce qu'ils ont besoin d'un logement, d'argent ou simplement de quoi manger !", assure Yacoub.

"Le gouvernement fait venir des milices pour tuer des Irakiens"

Les manifestants, venus de plus en plus nombreux au fil des jours, sont d'abord dispersés avec des canons à eau, des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc. Puis, des tirs à balles réelles résonnent à Bagdad, venant de ceux que Yacoub a baptisé "les hommes en noir". "Ils ont des fusils. Avec de vraies balles ! Et ils tirent sur les gens. Ça n'est pas l'armée, ce sont des milices que le gouvernement fait venir pour tuer des Irakiens ! Quand ils ont commencé à tirer, j'ai couru. Beaucoup de gens ont pris des balles dans la poitrine. Dans la tête. Bam ! Pendant cinq jours, ils n'ont fait que tuer, tuer, tuer", raconte le jeune Irakien.

"Tout ce que je veux, c’est un travail"

Malgré la peur, Yacoub et ses amis continuent de se mobiliser, en groupes plus petits, dans d'autres endroits de Bagdad. Le gouvernement a bien publié une liste de mesures sociales censées entrer en vigueur bientôt, mais pour lui pas question d'en rester là. "Tout ce que je veux", dit-il, "c'est un travail".