L'UEFA demande le report de l'élection du président de la Fifa

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avec agences , modifié à
FOOTBALL - La Fifa, institution du football mondial, est en pleine tempête après les révélations de l'enquête pour corruption menée contre elle aux Etats-Unis. Face au chaos, la fédération européenne a demandé le report de l'élection du président, initialement prévue vendredi. 

On pensait l’institution imperturbable, malgré les soupçons permanents : la Fédération internationale de football association (Fifa) fait face depuis mercredi à une véritable tempête judiciaire, ouverte sur deux fronts.

- Tout a commencé par l'interpellation mercredi, dans le luxueux hôtel cinq étoiles "Baur Au Lac" du centre de Zurich, de plusieurs hauts responsables de la FIFA par les autorités suisses. Ce "coup de filet" a été mené dans le cadre d'une enquête pour corruption menée par la justice américaine, comme révèlé par le New York Times.

- Puis, on apprenait l'existence d'une enquête de la justice suisse sur les conditions d'attribution des Coupe du monde de football de 2018 et 2022, en Russie et au Qatar. 

Deux coups de canons portés contre la Fifa, alors que son congrès annuel doit s'ouvrir vendredi. Le président Sepp Blatter, à la tête de la puissante fédération depuis 1998, doit y briguer un cinquième mandat. Ce dernier ne figure pas parmi les individus impliqué, a d'ores et déjà assuré l'organisation. Toutefois, mercredi soir, l'UEFA (Union des associations européennes de football) a demandé le report du congrès et de l'élection.

"La Fifa est victime"

L'élection à la présidence de la Fifa aura lieu comme prévu vendredi malgré ces deux enquêtes, a indiqué mercredi le directeur de la communication de l'instance, Walter De Gregorio. Par ailleurs, la Fifa assure que les Coupes du monde 2018 et 2022 en Russie et au Qatar, se tiendraient comme prévu. "La Fifa est la victime. Nous coopérons, nous donnons toutes les informations demandées. Il est de notre intérêt que toutes les questions posées trouvent des réponses", a précisé Walter De Gregorio. 

  • Enquête pour corruption aux Etats-Unis 

Coup de filet à Zurich. "Six fonctionnaires d'organisations footballistiques ont été arrêtés (...) et placés en détention en vue de leur extradition" a précisé, mercredi matin, au micro d'Europe 1 un porte-parole de l'Office fédéral de la justice (OFJ) suisse, Folco Galli. Un septième cadre de l'instance a été interpellé plus tard dans la journée.  

La justice américaine réclame l'extradition vers les Etats-Unis de ces cadres de l'institution du football mondial, dans le cadre d'une enquête fédérale pour surveillances illégales, racket et blanchiment d'argent. Ils sont soupçonnés d'avoir reçu ou versé plus de 150 millions de dollars depuis 1991, pour les droits de diffusion de tournois internationaux, dont la célèbre Coupe du monde de football, qui se tient tous les quatre ans.

Au total, le Département de la Justice a inculpé  14 personnes : neuf élus de la Fifa ainsi que cinq partenaires de l'instance mondiale du football, pour des faits s'étalant sur les 24 dernières années, a annoncé le ministère américain mercredi.

Des responsables d'Amérique du Nord et du Sud... Cinq ressortissants sud-américains et deux britanniques ont été placés en détention dans cette affaire de corruption présumée. En attente d'extradition à la demande du parquet de New York, ils encourent jusqu'à 20 ans de prison. Par ailleurs, la Fifa a annoncé mercredi soir la suspension provisoire de onze personnes, dont Jeffrey Webb, membre du comité exécutif de l'institution.

Il s'agit donc de ce dernier, vice-président de la Fifa et président de la Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf), Eduardo Li, membre des comités exécutifs de la Fifa et de la Concacaf, Julio Rocha, chargé du développement à la Fifa, Costas Takkas, attaché au cabinet du président de la Concacaf, Eugenio Figueredo, actuel vice-président de la Fifa, Rafael Esquivel, membre exécutif de la Conmebol et José Maria Marin, membre du comité d'organisation de la Fifa pour les jeux Olympiques.

... Qui s'opposent à leur extradition. Parmi ces cadres de l'institution du football mondial, un seul a notifié lors de son audition par les policiers qu'il était prêt à se soumettre à l'extradition simplifiée. Le ministère suisse de la Justice va demander aux Etats-Unis de faire "parvenir des demandes formelles d'extradition à la Suisse dans un délai de 40 jours", selon le traité en vigueur entre les deux pays.

D'autre part, Nicolas Leoz, ex-membre du comité exécutif de la Fifa, ainsi que le sulfureux Jack Warner, ancien vice-président de la Fifa, déjà impliqué dans de nombreuses affaires de corruption, sont également inculpés par le ministère de la justice. En parallèle, des perquisitions ont été menées mercredi au siège de la Concacaf à Miami, aux Etats-Unis. 

"Plusieurs millions" de "dessous de table". "Les autorités américaines les suspectent d'avoir accepté des dessous de table d'un montant de plusieurs millions", a précisé à Europe 1 le porte-parole de l'Office fédéral de la justice (OFJ) suisse.

Entendu sur europe1 :
 Ces personnes auraient accepté ces pots-de-vin à partir du début des années 90 à ce jour 

"Des représentants des médias et du marketing sportif seraient impliqués dans des versements à ces fonctionnaires et en échange ces personnes auraient reçu les droits médiatiques et de sponsoring de compétions organisés aux Etats-Unis et en Amérique du Sud", a détaillé Folco Galli. L'attribution des droits de la Copa America, devant se tenir l'an prochain aux Etats-Unis, aurait notamment été l'occasion de ces faits de corruption, à hauteur de 110 millions de dollars. 

L'édition du Mondial de 2010 dans le viseur. L'offensive de la justice américaine n'en est qu'à ses débuts, a prévenu le procureur fédéral de Brooklyn. Lors d'une conférence de presse, mercredi après-midi, la ministre de la Justice américaine, Loretta Lynch, a, quant à elle, lâché une nouvelle bombe. Celle qui a supervisé le dossier alors qu'elle était encore procureure de New-York a affirmé que "des dirigeants de la Fifa et d'autres ont corrompu le processus en utilisant des pots-de-vin pour influencer la décision d'attribution" de la Coupe du monde à l'Afrique du Sud, en 2010. C'était la première fois qu'un pays africain accueillait l'événement.

  • Soupçons en Suisse sur les Mondiaux 2018 et 2022  

Une autre enquête en Suisse. Par ailleurs, le parquet suisse a ouvert une procédure pénale contre X pour soupçon "de blanchiment d'argent et gestion déloyale" entourant les attributions des Coupes du monde de football de 2018, à la Russie, et de 2022, au Qatar. Des documents électroniques ont été saisis dans ce cadre, mercredi, au siège de la Fifa à Zurich. "Les enrichissements illégitimes se seraient déroulés en partie au moins en Suisse", précise le ministère de la Justice, ajoutant que cette procédure pénale est ouverte depuis le 10 mars 2015. Elle n'avait pas été révélée jusqu'à ce jour.

Après ce coup de tonnerre, la Russie, par le biais d'un communiqué de son ministre des Affaires étrangères, a dénoncé l'application "illégale" de la loi américaine, appelant Washington à mettre fin à ses "tentatives d'exercer la justice hors de ses frontières".

Le rapport Garcia et le micmac des Mondiaux russes et qatariens. L'attribution en décembre 2010 des Mondiaux 2018 à la Russie et surtout 2022 au Qatar a suscité dès le départ polémiques, soupçons et controverses. C'est ainsi qu'une enquête avait été diligentée par Michael Garcia, ancien procureur américain, devenu président de la chambre d'instruction de la commission d'éthique de la Fifa.

En novembre dernier, les conclusions du rapport Garcia, évoquant notamment des "soupçons sur des transferts internationaux de patrimoine avec comme point de contact la Suisse", avaient amené l'institution à porter plainte auprès du ministère public de la Confédération helvétique à Berne. 

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Toutefois, la Fifa avait annoncé maintenir l'organisation de la Coupe du monde à la Russie et au Qatar, estimant que les faits reprochés, "de portée très limitée", n'étaient pas "susceptibles de porter atteinte à l'intégrité du processus". A la suite de cette annonce, Garcia avait dénoncé une présentation "erronée et incomplète" de son enquête.

L'opération de mercredi pourrait être le signe que l'ex-procureur américain a été entendu.