Coronavirus : pour Attali, la Chine a montré qu'"une dictature ne peut pas être une superpuissance"

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Romain David , modifié à

Invité samedi de Patrick Cohen sur Europe 1, l'économiste Jacques Attali a estimé que la politique chinoise pour lutter contre le coronavirus a démontré que, sans un assouplissement démocratique, Pékin ne sera jamais la grande puissance mondiale qu'elle prétend être.

Un géant aux pieds d’argile : c’est le portrait dressé par Jacques Attali de la Chine face au coronavirus. L’ancien conseiller de François Mitterrand publie L’Economie de la Vie chez Fayard, essai dans lequel il dresse le bilan de la crise sanitaire, retraçant la chronologie des événements qui ont chamboulé la planète ces derniers mois. À ses yeux, l’incapacité de la Chine à gérer efficacement l’épidémie apparue à Wuhan en fin d’année dernière trahit aussi l'affaissement de cette superpuissance.

"La Chine a totalement loupé la gestion de cette épidémie parce qu’elle est une dictature qui a beaucoup menti et qui s’est beaucoup menti à elle-même", estime Jacques Attali, samedi au micro de Patrick Cohen dans C’est arrivé cette semaine sur Europe 1. "Je ne crois pas que la Chine sera le vainqueur de cette crise, au contraire, elle en est le perdant", poursuit l’économiste. "En termes de soft power son idéologie apparaît comme perdante, elle a censuré de l’intérieur ceux qui lançaient les alertes en mettant en prison quelque 450 personnes, elle a ensuite menti au reste du monde et mobilisé tous les moyens pour que ça ne se sache pas."

Une économie en berne

Outre une perte d’influence politique, l’empire du Milieu devrait également voir s’affaisser son économie. "La croissance de la Chine est très faible, or elle est vitale pour elle. Elle devrait faire 0% de croissance en 2020, ce qui est toujours mieux que la France, mais désastreux en termes d’emplois pour un pays comme celui-là."

Pour Jacques Attali, ce constat "indique qu’une dictature ne peut pas être une superpuissance. Il faut au moins une liberté de ton, d’esprit, une liberté de critique au sein même de l’élite dirigeante, ce qui n’existe pas."

"L’Europe a une très grande carte à jouer"

Le fondateur de Positive Planet déplore encore que les Occidentaux aient tenté d’imiter ce que faisait Pékin pour endiguer l’épidémie, impressionnés selon lui par les images d’hôpitaux construits en quelques jours pour gérer l’afflux de malades. "Les Européens ont regardé le modèle chinois et l’ont suivi." Il aurait souhaité que les dirigeants s’intéressent davantage aux mesures prises dans des pays comme la Corée du Sud, Singapour, Taïwan, la Nouvelle-Zélande ou encore le Vietnam qui ont réussi, toujours selon Jacques Attali, à juguler plus efficacement l’épidémie de Covid-19.

Néanmoins, l’affaiblissement de la Chine pourrait servir les intérêts européens, alors que les Etats-Unis sont également durement touchés par le nouveau coronavirus. "L’Europe a une très grande carte à jouer", martèle Jacques Attali. "Nous sommes 450 millions d’habitants, nous avons le plus haut niveau de vie, un modèle social qui tient la route. […] nous pouvons devenir la superpuissance de demain."