Cinq questions sur la crise au Venezuela

Quinze personnes sont mortes dans les affrontements qui secouent le Venezuela depuis l'élection de la Constituante.
Quinze personnes sont mortes dans les affrontements qui secouent le Venezuela depuis l'élection de la Constituante. © AFP
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M.L avec AFP
Une semaine après l'élection d'une Assemblée constituante omnipotente, le pays continue de s'enfoncer dans une profonde crise économique et politique et connaît des épisodes de violence.

Le fossé entre les dirigeants et leurs opposants continue de se creuser au Venezuela. Une semaine après l'élection de l'Assemblée constituante, voulue par le président Maduro et décriée par une partie de la population, le week-end a été marqué par le limogeage de la procureure générale Luisa Ortega, qui avait émis des réserves quant aux dérives du pouvoir en place. Les violences ont également continué de s'installer dans le pays, notamment à Valencia, à l'ouest de Caracas, où l'armée a repoussé une "attaque terroriste", dimanche.

  • Où en est la situation politique ?

"Ce qui se passe au Venezuela, c'est une prise en otage totale de toutes les institutions par un seul camp, par un seul parti politique", a estimé samedi Julio Borges, président du Parlement, seule institution contrôlée par l'opposition. La Constituante venait de voter à main levée la révocation de Luisa Ortega, chaviste historique.  Le Parquet général, qu'elle dirige, avait ouvert mercredi une enquête pour fraude électorale présumée lors de l'élection de la même constituante, le 30 juillet, réclamant en outre l'annulation de l'installation de cette toute-puissante institution.

Présidée par l'ex-ministre des Affaires étrangères Delcy Rodriguez, une fidèle de Maduro qui la surnomme "la tigresse", la Constituante a pour mission de réécrire la Constitution de 1999 promulguée par Chavez. Installée officiellement vendredi, l'Assemblée a fait savoir samedi qu'elle siégerait pour une durée maximale de deux ans. On ignore en revanche si elle a l'intention de dissoudre le Parlement, ce dont les textes lui donnent la possibilité.

  • Quel est le bilan des violences ?

Depuis l'élection de la Constituante, quinze personnes sont mortes dans des affrontements entre manifestants et policiers, principalement à Caracas, capitale du pays. Ce nombre porte le bilan des protestations contre le gouvernement à 125 morts.

La tension s'est encore accrue ce week-end, lorsqu'une vingtaine d'hommes, des "mercenaires", selon le pouvoir, ont attaqué une base militaire de Valencia. Le président vénézuélien a immédiatement rejeté l'idée d'une "rébellion" militaire, pour parler d'une "attaque terroriste" financée selon lui depuis Bogota et Miami. Mais sur une vidéo supposément tournée dans la base, circulant sur les réseaux sociaux, un homme se présentant comme un officier se disait "en rébellion légitime" contre "la tyrannie assassine de Nicolas Maduro". Deux des assaillants ont été tués et huit autres capturés.

En parallèle, l'opposition vénézuélienne continue d'être réprimée : après avoir été emprisonné trois jours, le maire de Caracas Antonio Ledezma a été reconduit chez lui vendredi pour être de nouveau placé en résidence surveillée

  • Quel rapport avec l'armée ?

Principal pilier du pouvoir du président socialiste, la Force armée nationale bolivarienne (FANB) a un rôle clé dans la crise politique. Dotée d'un large armement russe et chinois, elle se déclare "chaviste, nationaliste et anti-impérialiste", ses dirigeants ayant juré "loyauté absolue et inconditionnelle" à Nicolas Maduro. Mais ce pouvoir est aussi politique : sur un total de 32 ministres au sein du gouvernement, douze sont des militaires, parmi lesquels dix sont toujours en activité et deux à la retraite.

  • Quid de la situation économique ?

Confronté à une inflation vertigineuse (720% en 2017 selon le FMI), le gouvernement impose depuis 2003 un strict contrôle des prix, qui pèse sur la rentabilité des entreprises locales. La devise vénézuélienne s'est effondrée, perdant la semaine dernière plus de 17% de sa valeur face au dollar, rendant encore plus précaire l'accès des Vénézuéliens à la nourriture et aux médicaments déjà rares. Confronté à la baisse du prix du baril de pétrole, sa principale ressource, le pays continue de s'enfoncer dans la crise. "La question aujourd'hui est de savoir quand le Venezuela va faire défaut de paiement", analyse le spécialiste Christopher Dembik.

La situation frappe notamment le monde du sport : les sélections vénézuéliennes de volley-ball, d'escrime et de softball ont récemment dû déclarer forfait lors de compétitions internationales, faute de moyen de transports. Un grand nombre de compagnies aériennes ont ainsi arrêté d'opérer dans le pays, tandis que d'autres ont considérablement réduit leur fréquence de vols. Ces compagnies estiment que l'Etat vénézuélien a une énorme dette envers elles, estimée à 3.800 millions de dollars par l'Association internationale de transport aérien (IATA).

  • Quelles conséquences à l'international ?

Réunis samedi à Sao Paulo, les ministres des Affaires étrangères du Brésil, de l'Argentine, de l'Uruguay et du Paraguay ont décidé de suspendre le Venezuela du Mercosur, le marché commun sud-américain, "pour rupture de l'ordre démocratique". Pour lever cette suspension, le Mercosur a posé comme conditions "la libération des prisonniers politiques, la restauration des compétences de pouvoir législatif, la reprise du calendrier électoral et l'annulation de l'Assemblée constituante". "Il s'agit d'un coup très dur pour la stature internationale du gouvernement de Nicolas Maduro. Le Venezuela risque de devenir un paria en Amérique latine", estime Mauricio Santoro, professeur de relations internationales à l'Université d'État de Rio de Janeiro (UERJ).