Liberté de la presse : pour les journalistes russes, c'est la censure ou la résistance

Poutine
Depuis le début ce que Moscou appelle "l’opération spéciale" en Ukraine, le 24 février dernier, un seul et même récit est imposé dans les médias russes. © Alexey DRUZHININ / SPUTNIK / AFP
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Marion Gauthier, édité par Juline Garnier , modifié à
Depuis le début ce que Moscou appelle « l’opération spéciale » en Ukraine, le 24 février dernier, un seul et même récit est imposé dans les médias russes. Certains mots ne peuvent plus être utilisés sans que leur auteur soit accusé de discréditer les forces militaires, et risque la prison. Face à la répression, de nombreux journalistes fuient pour continuer à travailler à distance.

Depuis l'invasion russe en Ukraine, c'est silence radio du côté des médias indépendants de Russie. Écrasés par la version officielle du Kremlin, qui parle depuis le 24 février d'une "opération spéciale", ils ne peuvent plus s'exprimer sans être accusés de discréditer les forces militaires dirigées par Vladimir Poutine. Les derniers médias indépendants du pays ont été bloqués ou suspendus, et les principaux réseaux sociaux, comme Twitter et Facebook, ont également été bloqués par les autorités. "On a dit au revoir à tout le monde en direct. On a pleuré évidemment, l’émotion était insoutenable", confie Denis Kataev, rencontré par Europe 1 dans un café parisien. 

Les cheveux en bataille, les lunettes de travers, Denis Kataev apparait serein. L’élégant trentenaire montre un extrait de la dernière émission de Dojd. Sa chaine avait alors 25 millions de téléspectateurs. "On sent le besoin d’information indépendante, il existe ! On est partis pour continuer de travailler parce que… C’est notre responsabilité, comme journaliste", affirme-t-il. Il a fui son pays pour la France au quatrième jour de la guerre. Son rédacteur en chef, Tikhon Dzyadko, lui, est parti pour la Géorgie.

Des journaux sur messagerie cryptée

"Au début de la guerre le gouvernement russe a dit que c’est juste le ministère de défense russe qui diffuse la véritable information. C’est de la censure !", s'agace le rédacteur en chef par téléphone. Alors pour ne pas se taire, Tikhon Dzyadko crée des chaînes d’information sur la messagerie cryptée Télégram ou diffuse des journaux sur YouTube. 

"Il y a beaucoup de gens en Russie qui ne comprennent pas ce qui se passe en Ukraine, qui pensent que les actions du gouvernement sont normales. C’est une grande tragédie pour moi", confie-t-il. Ils sont plus de 180.000 à s’être abonnés à son nouveau compte. Un bon début pour lui car ces nouveaux médias peuvent être difficiles à trouver, sur le sol russe.