Attentat à Londres : comment la mosquée de Finsbury Park a tourné la page de l'islamisme

La mosquée de Finsbury Park est situé dans un quartier populaire du nord-est de Londres.
La mosquée de Finsbury Park est situé dans un quartier populaire du nord-est de Londres. © BEN STANSALL / AFP
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avec AFP , modifié à
Une attaque "terroriste" a visé des musulmans à proximité de la mosquée de Finsbury Park, un lieu de culte au passé sulfureux devenu un symbole du dialogue inter-religieux. 

Des fidèles de la mosquée de Finsbury Park, dans le nord-est de Londres, venaient de rompre le jeûne du ramadan quand une camionnette leur a délibérément foncé dessus dans la nuit de dimanche à lundi. Cette attaque "terroriste", qui a provoqué l’effroi et la stupeur dans ce quartier populaire de la capitale britannique, n’a pas ciblé n’importe quel lieu de culte. Cette mosquée, tristement célèbre pour avoir été un symbole du "Londonistan", repaire d’islamistes radicaux dans les années 90 et au début des années 2000, s’était transformée ces dernières années au point d’être érigée en exemple du dialogue inter-religieux.

  • Un passé sulfureux

Pendant presque dix ans, la mosquée de Finsbury Park a été considérée comme le centre névralgique du "Londonistan", nom donné aux groupes d’islamistes radicaux venus à Londres dans les années 1990. Cette réputation sulfureuse a été symbolisée par Abu Hamza Al-Masir, un prêcheur radical proche d’Al-Qaïda, borgne et amputé des deux avant-bras. L’Égyptien, devenu imam en 1997, prône alors une application rigoriste de la charia et appelle publiquement ses fidèles à partir mener le djihad. De nombreux islamistes radicaux viennent dans cette mosquée, comme le Britannique Richard Reid, qui avait ensuite tenté de faire exploser un avion transatlantique avec des chaussures piégées, ou le Français Zacarias Moussaoui, condamné à la prison à vie en liaison avec le 11-Septembre.

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Abu Hamza lors d'un de ses prêches en pleine rue, en 2003. (Photo : ODD ANDERSEN / AFP FILES / AFP)

Longtemps tolérantes, voire complaisantes avec ces islamistes, les autorités britanniques ont opéré un virage au début des années 2000, dans la foulée des attentats du 11-Septembre. La mosquée avait alors tenté de se dissocier de ce prêcheur controversé en l'expulsant en janvier 2003 de l'édifice religieux. Quelques jours plus tard, le lieu de culte avait même été fermé après une perquisition et la découverte d'armes. Mais, malgré la fermeture, Abu Hamza a poursuivi ses sermons dans la rue, filmé par les caméras du monde entier. L’Egyptien est finalement arrêté en 2004 et condamné à sept ans de prison pour incitation au meurtre et à la haine raciale en 2006. Après une longue bataille judiciaire, il est extradé aux États-Unis en 2012, où il est finalement condamné à la prison à perpétuité pour onze chefs d'inculpation liés à une prise d'otages, et pour terrorisme.

  • Une mosquée désormais érigée en exemple

Pointée du doigt, la mosquée a considérablement travaillé pour se restructurer et changer son image. En février 2005, une nouvelle direction reprend le lieu de culte avec la volonté d’écarter ses fidèles les plus radicaux. "La mosquée a effacé son passé extrémiste et travaille dur pour lutter contre la radicalisation", assurait un câble diplomatique issu des Wikileaks datant de 2007 et publié sur le site du Telegraph. Le directeur de la mosquée, Mohammed Kozbar, proche des Frères musulmans, veut alors en faire un lieu de culte tolérant et ouvert à tous.

Pour mener à bien son projet, il est soutenu par Jeremy Corbyn, député de cette circonscription depuis 1983 et actuel leader des Travaillistes. En 2014, la mosquée reçoit même un prestigieux prix pour son engagement, et notamment ses efforts dans le dialogue inter-religieux. Le lieu de culte, qui avait été la cible de lettres et courriels de menaces après les attentats de Paris en novembre 2015, est désormais cité en exemple. "Que des journaux tiennent les victimes pour responsables est dégoûtant. La mosquée de Finsbury Park a gagné un prix pour son combat contre l'extrémisme", a ainsi tweeté J.K Rowling, l’auteure de la saga Harry Potter. Un signe, parmi tant d’autres, que la mosquée a bel et bien tourné la page du "Londonistan".