Turquie : Erdogan tente de museler des médias d'opposition

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avec AFP , modifié à
OPPOSITION MUSELÉE - La police anti-terroriste a arrêté 24 personnes, dont le rédacteur en chef de Zaman, un grand quotidien turc proche de l'opposition au président Erdogan.

Les opposants à Recep Tayyip Erdogan sont dans l'oeil du cyclone. Dimanche, la police a mené une opération coup de poing contre les partisans du prédicateur islamiste Fethullah Gülen, le rival du président turc. Au total, près de 24 personnes ont été arrêtées, dont une grande majorité de journalistes proches du religieux. Cette nouvelle rafle survient deux jours après que le président turc a annoncé une nouvelle opération contre les "forces du mal" activées depuis son exil aux Etats-Unis par son ennemi juré, qu'il accuse d'avoir orchestré l'an dernier le lancement d'une enquête pour corruption contre des membres de sa garde rapprochée.

Les médias d'opposition visés. Ekrem Dumanli, le rédacteur en chef de Zaman, un des plus grand quotidiens en Turquie, a été appréhendé par les forces de l'ordre, ainsi que des membres de son cercle le plus proche. Cette opération coup de poing a été menée dans treize villes de Turquie dont Istanbul. Samedi matin une foule de protestataires rassemblée devant l'immeuble de Zaman, situé à la périphérie d'Istanbul, avait momentanément empêché l'interpellation d'Ekrem Dumanli, créant la confusion et obligeant la police à quitter l'immeuble sans arrêter aucun des employés du journal. Des mandats d'arrêts ont été délivrés contre 32 personnes au total, accusées entre autres de "former un gang pour tenter d'attenter à la souveraineté de l'Etat", a indiqué l'agence gouvernementale Anatolie. Visés eux aussi, les dirigeants d'une chaîne de télévision proche de Fetullah Gulen, dont un directeur, des producteurs et des journalistes ont également été arrêtés, a précisé Anatolie.

Une guerre contre Fethullah Gülen. Cette nouvelle rafle est la dernière d'une série de vagues d'interpellations depuis juillet organisées par le gouvernement. Elles visent ce que le président islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, dénonce comme un "Etat parallèle" au sein des forces de sécurité, visant la chute de son gouvernement. Vendredi, le président Erdogan, déterminé à neutraliser les partisans de son ennemi, avait promis de les "poursuivre jusque dans leurs repaires". "Nous ne sommes pas seulement confrontés à un simple réseau, mais à l'un de ceux qui sont le pion des forces du mal dans le pays et à l'étranger", a-t-il  affirmé. "Nous les poursuivrons encore dans leurs repaires. Quels que soient ceux qui se tiennent à leurs côtés, derrière eux, nous détruirons ce réseau et le forcerons à rendre des comptes", a ajouté l'homme fort de la Turquie.

Une réplique à une enquête pour corruption. Le régime qui dirige la Turquie depuis 2002 a l'hiver dernier déclaré la guerre au mouvement de M. Gülen, 73 ans, accusé d'avoir constitué un "Etat dans l'Etat" et comploté dans l'ombre pour provoquer sa chute. Le gouvernement accuse l'opposition d'avoir fomenté le lancement d'une vaste enquête sur un scandale de corruption qui a conduit à l'arrestation d'une dizaines d'hommes d'affaires et d'hommes politiques, dont les fils de trois ministres du gouvernement Erdogan, alors Premier ministre. Recep Tayyip Erdogan était parvenu à mettre un coup d'arrêt à cette enquête en procédant au limogeage de milliers de policiers et d'un certain nombre de juges et en faisant adopter des lois renforçant le contrôle de l'Etat sur l'appareil judiciaire et sur  internet. Le mouvement Hizmet du prédicateur islamique a nié toute implication dans l'enquête pour corruption visant des proches du président.

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L'UE critique les raids. L'Union Européenne a dénoncé ces arrestations dans la foulée. Deux hauts responsables ont estimé que ces raids de la police étaient contraires aux "valeurs européennes" que la Turquie, qui aspire à rejoindre l'UE, est sensée respecter. La chef de la diplomatie de l'UE Federica Mogherini et Johannes Hahn, commissaire chargé de la politique européenne de voisinage et des négociations d'élargissement, ont estimé dans leur communiqué que ces opérations étaient "incompatibles avec la liberté de la presse".