Turquie : Erdogan censure Internet

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CENSURE – Bloquer Internet, c’est le seul moyen qu’a trouvé Erdogan pour éviter les fuites sur un scandale de corruption qui touche ses proches.

L'INFO. Pour avoir suivi la ligne dure de son Premier ministre, le président turc a perdu mardi 80.000 followers sur Twitter. Les internautes lui ont reproché d’avoir promulgué une loi de blocage d’Internet, voulue par Recep Tayyip Erdogan. Le chef du gouvernement a en effet mis en place une série de dispositions qui facilitent l’interdiction de sites internet en Turquie. L’autorité gouvernementale des télécommunications pourra désormais bloquer un site web sans passer par une décision de justice, s’il porte atteinte à "la vie privée" ou contient des informations jugées "discriminatoires ou insultantes". Une nouvelle déclaration de guerre à la liberté sur internet.

Pas à une contradiction près, le conservateur Erdogan avait pourtant fort apprécié le concours du web pour faire tomber son rival Deniz Baykal, en 2010. Une vidéo qui faisait fi de toute considération de vie privée et montrait le leader du parti d’opposition avec une députée après une relation extra-conjugale. Mais depuis longtemps, Erdogan sait aussi que le web peut desservir ses intérêts. En 2007, il avait interdit YouTube dans son pays,  après une vidéo critique sur le père de la nation turque, Mustafa Kemal.

Sept ans plus tard, "ce n’est pas la patrie qui est en péril, mais le parti d’Erdogan", décrypte pour Europe 1 Tancrède Josseran, auteur de La nouvelle puissance turque. Depuis plusieurs semaines, un scandale de corruption touche de près le gouvernement turc. Récemment, un enregistrement de la fille d’Erdogan a circulé sur Youtube. Elle négocierait le prix d’achat de villas en échange de faveur de l’administration. Le but de cette nouvelle loi sur internet est clairement d’empêcher ses opposants de publier ce genre d’informations.

Peu importe si les mesures sont jugées liberticides par des internautes et des membres de la communauté internationale. "Depuis les violentes manifestations de juin 2013, l’AKP (le parti au pouvoir, ndlr.) n’est plus à ça près pour se maintenir en vie", souligne Tancrède Josseran.

Pour faire passer la pilule, amère, Erdogan sait flatter son électorat populaire. Il en a une nouvelle fois fait la preuve, mardi, dans une école d’Ankara. Lors d’une distribution de tablettes tactiles, le Premier ministre conservateur a mis en garde les petits Turcs contre les dangers du web. Recep Tayyip Erdogan les a exhortés à ne pas devenir "prisonniers de l’internet". "Sortez jouer dans les parcs et les jardins, n’oubliez pas qu’un ordinateur ne pourra jamais prendre la place d’un livre", a déclaré le Premier ministre.  "Il utilise un langage de bon sens, compréhensible par la majorité des électeurs et loin de celui des élites occidentalisées", souligne Tancrède Josseran. Si au passage, les écoliers (et leurs parents) peuvent éviter de tomber sur les nombreux articles concernant le scandale de corruption, Erdogan aura gagné son pari.

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