NSA : la France peut-elle vraiment réprimander les Etats-Unis ?

La France a demandé lundi à l'ambassadeur américain, convoqué au ministère des Affaires étrangères, de lui donner des assurances que l'interception de communications n'ont "plus cours", après de nouvelles révélations, selon le Quai d'Orsay.
La France a demandé lundi à l'ambassadeur américain, convoqué au ministère des Affaires étrangères, de lui donner des assurances que l'interception de communications n'ont "plus cours", après de nouvelles révélations, selon le Quai d'Orsay. © Reuters
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Charles Carrasco , modifié à
DECRYPTAGE - La Maison-Blanche a reconnu avoir recours aux écoutes... comme "tous les pays".

L'INFO. Tout le monde espionne tout le monde même lorsqu'on est amis. C'est la Maison-Blanche, elle-même qui l'a dit, lundi. C'est aussi la conclusion que l'on peut tirer après les révélations du journal Le Monde, qui affirme qu'en l'espace de 30 jours plus de 70 millions d'enregistrement de données téléphoniques avaient été effectuées en France. L'Hexagone n'est pas la seule nation surveillée. Loin s'en faut.

Les principaux concernés par cet espionnage sont évidemment les pays dans les zones de guerre, comme l'Afghanistan, mais également la Russie et la Chine. Si en Europe, les Britanniques donnent eux leur assentiment à cet espionnage, ce n'est pas le cas de tout le monde. Comment s'est manifestée cette "colère" diplomatique ? Explications à travers quelques exemples.

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La France surveillée. Un secret de polichinelle ? Ces révélations sur des interceptions de millions de communications, à partir des documents fournis par l'ex-consultant Edward Snowden, sont "choquantes et vont appeler des explications précises des autorités américaines dans les heures qui viennent", a affirmé sur Europe 1 lundi le ministre de l'Intérieur Manuel Valls. Le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, s'est lui dit "choqué" par l'espionnage américain" et a demandé aux Etats-Unis d'apporter "des réponses claires" sur ces pratiques. La France était bien évidemment au courant de cette surveillance -notamment des diplomates- mais elle ne pensait peut être pas qu'elle était d'une telle ampleur auprès des citoyens. 

La France coincée dans le cadre de l'OTAN. Toutefois, dans sa "réprimande", la France ne peut se permettre d'aller trop loin. "On fait ce qu'on peut avec une grande puissance alliée et quelque part protectrice", analyse Frédéric Encel, joint par Europe1.fr. Car en effet, les Américains "sont des alliés statutairement dans le cadre de l'OTAN. C'est la plus ancienne et la plus puissante alliance militaire à ce jour", renchérit le géopolitoloque. D'autant que la France fait régulièrement usage du renseignement. "On ne l'aime pas quand ils nous espionnent et on l'aime bien quand ils nous aident à espionner les islamistes au Mali", assure Frédéric Encel. Sur le plan judiciaire, le parquet de Paris a ouvert en juillet une enquête préliminaire au sujet du programme international de surveillance américain Prism. 

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Le Mexique réclame une enquête. La France n'est pas le seul pays visé par la surveillance américaine. Au Mexique, le gouvernement a également demandé dimanche des explications à Washington après des révélations du magazine allemand Der Spiegel affirmant que les services de renseignement américains ont espionné directement les courriels de l'ex-président Felipe Calderon. "Cette pratique est inacceptable, illégitime et contraire au droit mexicain et au droit international", a ajouté le ministère mexicain des Affaires étrangères, réclamant une enquête "le plus rapidement possible". Mais le risque est maigre pour les Etats-Unis. "Le Mexique a besoin des Etats-Unis. On est dans le cadre d'un libre échange économique entre les deux pays", analyse Frédéric Encel.

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Le Brésil choisit les courriels cryptés. De tous les dirigeants visés par cette surveillance, la présidente brésilienne Dilma Roussef est celle qui est allée le plus loin dans la réprimande. En septembre, elle avait suspendu en septembre une visite aux Etats-Unis après des révélations sur des cas d'espionnage américain sur ses propres communications, celles de proches collaborateurs et d'entreprises telles que le géant public pétrolier Petrobras. Par la suite, elle a annoncé la création d'un nouveau système de courriers électroniques sécurisés pour protéger les communications officielles de tentatives d'espionnage similaires à celles des Etats-Unis et du Canada récemment mises au jour. Sauf que ce système n'est pas considéré comme très fiable car si un utilisateur fait usage de Gmail par exemple, la protection deviendrait caduque.

Des pressions économiques ? Le seul moyen de pression -qui reste faible- sur les Etats-Unis est économique. A la suite des révélations d'espionnage, des négociations, entre l'Etat brésilien et l'Américain Boeing autour de l'achat d'avions pour moderniser son armée de l'air, ont tourné court au mois de septembre dernier. "C'est un pays émergent qui doit s'équiper énormément. Dans ce cas effectivement, il y a davantage de poids vis-à-vis des Américains. Néanmoins, on reste pour l'instant dans le diplomatico-symbolique. Si le Brésil n'achetait pas ostensiblement du matériel à haute valeur ajoutée sous l'impulsion de la présidente, là il y aura une conséquence concrète", analyse Frédéric Encel. En septembre, devant l'Assemblée générale des Nations Unies, Dilma Rousseff a proposé un contrôle multilatéral de l'utilisation d'Internet, face à la forte dépendance d'entreprises situées principalement aux États-Unis.

Un groupe de travail a été mis en place. Paris a, depuis plusieurs mois, proposé à ses partenaires de l'Union européenne d'inclure dans les négociations commerciales avec les États-Unis un volet sur la protection des données. Un groupe de travail "États-Unis-Union européenne" a été mis en place en juillet et s'est déjà réuni deux fois. "Le Conseil européen des 24 et 25 octobre, qui sera en grande partie consacré aux enjeux du numérique, permettra de revenir sur cette question au plus haut niveau, celui des chefs d'État ou de gouvernement" a fait valoir lundi le porte-parole du Quai d'Orsay.

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