Irak : comment l’EIIL a "ringardisé" Al-Qaïda

Le "projet politique" de l'EIIL n'est pas exactement le même que celui d'Al-Qaïda.
Le "projet politique" de l'EIIL n'est pas exactement le même que celui d'Al-Qaïda. © SIPA
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TERRORISME - En perte de vitesse, l’organisation terroriste Al-Qaïda doit faire face à la concurrence de l’Etat islamique en Irak et au Levant. 

Depuis mardi, les combattants djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont fait ce qu’Al-Qaïda n’avait encore jamais fait : prendre le contrôle d’une région entière, en un temps record. Les islamistes, qui se sont emparés de Mossoul, la deuxième ville d’Irak, avancent vers Bagdad, la capitale. Le chef de l’EIIL, Abou Bakr Al-Baghdadi, décrit comme un "nouveau Ben Laden", a refusé de faire allégeance à Al-Qaïda. Il entend au contraire supplanter l’organisation terroriste et il semble bien parti. 

Pas le même "projet politique". L’EIIL a beau être au départ une émanation de la branche irakienne d’Al-Qaïda, il a fait scission avec sa "maison-mère" et conteste ouvertement l’autorité du chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. Les deux groupes partagent la même idéologie djihadiste, mais pas le même "projet politique", explique à Europe 1 l’islamologue Romain Caillet, de l’Institut français du Proche-Orient. "Du point de vue du djihadiste", l’EIIL a en effet une "valeur ajoutée par rapport à celui d’Al-Qaïda : Al-Qaïda, c’est une lutte globalisée, déterritorialisée, tandis que l’EIIL se voit comme un véritable Etat en fonctionnement". Et en participant à "l’édification d’un Etat islamique", les partisans de l’EIIL ont donc l’impression d’avoir "passé une étape supérieure à celle d’Al-Qaida".

Des combattants de l'EIIL en Irak

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Des franchises qui se rebiffent. L’organisation terroriste fondée par Oussama Ben Laden pâtit aussi de sa structure éclatée. "Détruite en Afghanistan par l’offensive américaine", sa direction a vu ses "débris" se reconstituer, poursuit le chercheur. C’est grâce à ses "branches régionales", comme Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) ou Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), que l’organisation a pu retrouver de la vigueur. Mais aujourd’hui, certaines de ces "franchises" menacent de lâcher leur organisation-mère, à l’image d’Aqpa, la dernière branche d’Al-Qaïda dans le monde arabe. 

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Un leader qui perd son "autorité". Ce qui coince, c’est notamment le successeur de Ben Laden, Zawahiri. Lui qui est "bloqué au Waziristan", au Pakistan, "loin du monde arabe", est "en train de perdre son autorité". Tandis que Baghdadi, le chef de l’EIIL, a au contraire renforcé la sienne pour parvenir à incarner une nouvelle génération de djihadistes. L’homme se montre aussi plus ouvert au recrutement de nouveaux combattants. 

Une communication plus efficace. Au-delà de la personnalité du chef, le mode de communication de l’EIIL "ringardise celui d’Al-Qaïda". Plus efficace, surtout sur les réseaux sociaux,  il attire des jeunes. Mais aussi un "état-major militaire beaucoup plus compétent que celui d’Al-Qaïda", souligne  Romain Caillet, détaillant : "ceux qui ont fondé la structure militaire de l’EIIL sont d’anciens cadres du régime de Saddam Hussein [le président irakien déchu en 2003 puis exécuté] : colonels d’état-major, officiers des services de renseignement, ou encore officiers de la garde présidentielle". 

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