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Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.

Ce lundi au Fort de Brégançon, Emmanuel Macron recevra le président Vladimir Poutine pour un long tête à tête suivi d’un diner de travail. Cette rencontre a lieu quelques jours seulement avant le sommet du G7 de Biarritz où la Russie n’est pas invitée et alors que les manifestations se multiplient à Moscou pour dénoncer l’exclusion de tous les candidats indépendants des élections municipales.

Cette rencontre se tient à un moment de très grande tension tant en Russie avec un raidissement sévère du régime en interne contre toute forme d’opposition, que sur la scène internationale avec la crise nucléaire en Iran ou l’offensive militaire dans le nord de la Syrie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le président de la République estime indispensable de mener une discussion directe, franche et ouverte avec le Kremlin. D’autant que, depuis l’annexion de la Crimée en 2014, la Russie a été mise à l’écart de nombreuses instances de régulation multilatérales (dont le G8). Il n’est bien sûr pas question qu’elle y soit réintégrée tant qu’elle n’aura pas normalisé ses relations avec l’Ukraine. Pour autant, Moscou reste un acteur majeur sur le plan international. D’abord par un véritable pouvoir de nuisance, mais aussi parce que sa diplomatie détient les clés de la résolution dans certaines crises. Il serait donc absurde de ne pas chercher d’éventuels points de convergence.

Ces points de convergences existent-ils ?

C’est ce que va tenter de vérifier Emmanuel Macron. Sur l’Iran d’abord, car la Russie fait partie des États garantissant l’accord de dénucléarisation. Elle pourrait donc s’inscrire dans l’initiative française de désescalade en pesant sur Téhéran en faveur d’un retour aux normes du traité. La Libye est également un dossier sur lequel Paris et Moscou ont des approches similaires, ayant fait pressions sur les deux parties pour la mise en œuvre d’une trêve et une relance des négociations. La Syrie, c’est nettement plus compliqué. Il est important de rappeler les lignes rouges dont l’emploi des armes chimiques par le régime, ce que Moscou a les moyens de contrôler. L’Ukraine enfin, où le nouveau président élu au mois d’avril a fait des gestes d’apaisement en démilitarisant une partie des lignes de front comme le prévoient les accords de Minsk qui, à ce jour, n’avaient jamais été mis en œuvre ni par Kiev, ni par Moscou.

Certains accusent Emmanuel Macron de fournir un blanc-seing à Vladimir Poutine alors qu’il réprime son opposition ?

Que Vladimir Poutine ne soit pas un fervent défenseur de la démocratie libérale, cela ne fait aucun doute. Lui-même ne s’en revendique pas et le président de la République n’a guère d’illusion sur la question. En confère, l’échange viril lors de leur rencontre en marge du sommet d’Osaka où Emmanuel Macron a dit son "désaccord irréductible" avec un Vladimir Poutine très offensif qui venait de rejeter comme "obsolète" le modèle démocratique occidental. Évidemment, personne à l’Élysée n’a la naïveté de croire que toutes ses questions vont se résoudre par magie à l’issue de la rencontre de Brégançon. Il y a cependant une volonté du président Macron de mener une diplomatie active (quitte à prendre des risques) plutôt que de rester figer dans des postures déclaratives impeccables du point de vue des principes, mais qui le priveraient de tout capacité à peser sur les crises internationales.