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Chaque jour, Didier François traite d’un sujet international.

La campagne présidentielle a été officiellement lancée hier en Tunisie avec la commission électorale qui a dévoilé la liste des candidats ayant obtenu le nombre de signatures nécessaires pour se présenter. Ils sont 26 à pouvoir briguer le remplacement de Béji Caïd Essebsi, décédé le 25 juillet dernier à l’âge de 92 ans.

24 hommes et deux femmes, ça fait un peu beaucoup mais finalement, c’est toujours mieux qu’un candidat unique ce qui a été le lot de la Tunisie depuis son indépendance en mars 1956. Jusqu’à cette révolte de décembre 2010 qui a entrainé la chute du dictateur Ben Ali, déclenchant ce vaste mouvement de contestation qui s’est ensuite étendu en Libye, en Égypte, en Syrie ou dans le Golfe persique. Dans tout le monde arabe finalement et que l’on a d’ailleurs appelé le Printemps arabe. Mais ce qu’il y a de très intéressant dans le cas tunisien, c’est que d’abord c’est le seul pays où l’on a évité le bain de sang et ce n’est pas rien. Ensuite, malgré des difficultés, des tensions et des imperfections, un véritable processus de démocratisation s’est installé en Tunisie après huit ans de tâtonnements. Et tout compte fait, ce scrutin présidentiel (dont le premier tour doit se tenir le 15 septembre) en est la meilleure démonstration. Un processus tout à fait transparent a été ouvert au lendemain de la subite disparition du chef de l’État, une personnalité historique extrêmement respectée. 26 candidats vont pouvoir concourir, certains sont fantaisistes et d’autres plus sérieux mais tous représentent la diversité véritable des opinions politiques du pays.

Avec toujours cette compétition entre laïcs et islamistes ?

C’est l’un des facteurs de choix qui reste très important en Tunisie depuis la fin de la dictature. Mais, là aussi, on a une vraie spécificité tunisienne dans la mesure où, au sein même de ces deux grandes familles, on retrouve des options qui n’ont rien à voir avec les offres extrêmement homogènes (voire monolithiques) existant dans le reste du monde arabe. Le parti islamiste Ennahda va pour la première fois présenter un candidat à la présidence. Abdelfattah Mourou (71 ans) qui est l’un des fondateurs du mouvement et le président par intérim du Parlement. Assez étonnement, il va avoir un rival issu des rangs de son parti, Hamadi Jebali (ancien secrétaire général d’Ennahda) qui a été le chef du gouvernement au lendemain de la révolution. Ce qui montre assez bien que de fortes divergences traversent le camp islamiste. De la même manière que le courant laïc est loin d’être unifié avec au nombre des candidats de poids, le chef du gouvernement actuel et Premier ministre Youssef Chahed (43 ans) dont le parti Tahya Tounes (lancé en début d'année) représente la deuxième force au Parlement derrière Ennahda. Il devra compter avec un très sérieux adversaire, Abdelkarim Zbidi. Un médecin de 69 ans qui est un peu l’héritier du défunt président Essebsi et qui est surtout le ministre en titre de la Défense avec un bilan sécuritaire plutôt à son avantage car la Tunisie résiste bien au terrorisme malgré des réduits djihadistes très actifs sur ses deux frontières, libyenne et algérienne. Le jeu reste donc relativement ouvert et la richesse du choix électoral et la réalité des débats sont des éléments à porter au crédit de la maturité politique des Tunisiens.