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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce mardi, il revient sur le trouble qui règne actuellement au sein de la rédaction du Canard Enchaîné.

Tous les jours, Bruno Donnet observez la mécanique médiatique. Ce matin, il a choisi de revenir sur le trouble qui règne actuellement au sein de la rédaction du Canard Enchaîné, ses Télescopages ont donc pour titre : « Pan sur le bec, épisode 2 ».

Dans l’épisode 1, il y a tout juste un mois, il a raconté comment le journaliste Christophe Nobili, grande plume du Canard, faiseur de scoop et auteur de l’enquête qui a révélé l’affaire d’emploi fictif de Pénélope Fillon, a semé la zizanie dans son propre journal en dévoilant une autre affaire d’emploi fictif.

Une affaire qui concerne très directement Le Canard Enchaîné, lui-même, puisque notre confrère a découvert que le journal satyrique aurait payé pendant 25 ans, l’épouse du dessinateur André Escaro, Edith Van Den Daele, une femme qui n’a jamais écrit la moindre ligne dans le journal, ni même, d’après l’auteur de l’enquête, fournit le plus petit travail : « Et oui et ça nous a coûté 3 millions d’euros avec les charges pour le journal. »

Christophe Nobili a publié ses révélations dans un livre qui s’intitule « Cher Canard », une référence au « Cher… Connard » de Virginie Despentes. Un ouvrage qui a paru le 8 mars dernier et dont le journaliste a assuré une promotion médiatique, très soutenue, notamment sur le plateau de C à Vous, à qui il a raconté qu’il vivait désormais l’enfer dans sa propre rédaction : « Moi y’a des gens qui me parlent plus, y’a des gens qui ne me disent plus bonjour et puis… c’est dur. »

Voilà donc ce que je vous ai raconté dans l’épisode 1, un épisode conclu en disant que cette affaire posait une question médiatique très intéressante, qu’on pouvait résumer en ces termes : un journaliste peut-il mordre la main qui le nourri ?

Depuis hier, il a donc trouvé la réponse à la question soulevée le mois dernier.

Et la réponse c’est non ! Non, car on l’a appris dimanche, la direction du Canard Enchaîné vient de convoquer Christophe Nobili pour un entretien préalable à son licenciement.

Elle a la ferme intention de le foutre à la porte. Elle l’a du reste mis à pied, avec interdiction formelle de se rendre au journal et elle l’a même privé de salaire !

C’est donc un journaliste, très en colère, qui est allé dire sa rage, hier midi, à nos confrères de France Info : « La mise à pied avec privation de salaire, on fait ça quand un ouvrier brûle son usine, quand quelqu’un agresse physiquement quelqu’un dans une entreprise. Ça veut dire qu’on protège l’entreprise de la venue du salarié. »

Seulement voilà, plus qu’un conflit ente un journaliste et sa direction, l’affaire du Canard Enchaîné est en train de tourner à une prise de bec monumentale. En effet, 27 salariés du journal, ça fait beaucoup, soutiennent Christophe Nobili et ont fait paraître, hier, un communiqué, dans lequel ils condamnent « une sanction disproportionnée », évoquent le risque de commettre « une profonde injustice » et de nuire « encore davantage », c’est comme ça qu’ils l’écrivent, « à l’image du Canard Enchaîné ».

C’est donc une institution de la presse, un titre phare du journalisme d’investigation qui est, en ce moment même, très sérieusement ébranlé par ce conflit tonitruant.

Seulement voilà, Christophe Nobili l’a assuré hier, il n’a pas la moindre intention de se laisser faire, de devenir, à lui tout seul, le vilain petit canard et d’être mis au coin-coin : « Je suis là pour défendre mon poste, c’est ma maison et je resterai dans ce journal ! 

Il veut rester ! Rester au Canard Enchaîné et soulève donc deux questions médiatiques majeures, et au moins aussi passionnantes que vertigineuses, que l’on pourrait résumer comme ceci :

1/ Qui fait l’identité d’un média, celui qui le dirige ou ceux qui le fabriquent ?

Et 2/ Peut-on, chaque semaine, voler dans les plumes de tous ceux qui dérapent et vouloir clouer le bec à un journaliste qui réclame, simplement, qu’on remette un peu d’ordre, dans sa propre basse-cour ?