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La commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage est l'occasion de rappeler que la pensée d'Emmanuel Kant est une machine de guerre contre l'esclavage.

 

C'est aujourd'hui 10 mai qu'aura lieu (en présence de nos deux présidents de la République) la commémoration annuelle de l'abolition de l'esclavage. L'occasion, pour vous, de rappeler que la pensée d'Emmanuel Kant est une machine de guerre contre l'esclavage.

Machine de guerre, je ne sais pas. C'est avec des gestes qu'on lutte, plus qu'avec des idées.
La force de Kant n'est pas de dire ce que ns devons faire, mais d'expliquer ce qui se passe (ou ce qui se joue) en nous quand quelque chose comme l'esclavage ns indigne, quand nous luttons contre lui, et que nous faisons de cette lutte (ou de cette indignation) le signe même de notre humanité.

Autrement dit : que veut dire le fait que j'ai la nausée quand j'imagine qu'un homme est l'esclave d'un autre ?

Exactement. Pour l'expliquer, Kant décrit d'abord les "fins relatives" qui sont les buts que chacun se donne ds le temps de la vie, au gré de son désir particulier.
Ces buts st provisoires et ne renseignent que sur le petit individu qu'est aussi tout homme.
Certains désirent la richesse, et mettent en oeuvre les moyens d'y parvenir. D'autres désirent la gloire, ou la santé. Ms comme chaque homme, selon son caractère, se fait une idée différente du bonheur, ce ne sont là que des "impératifs hypothétiques" : "si tu veux ceci ou cela, alors fais ceci ou cela", seules comptent ici les conséquences de mes actes.

 

Ce n'est pas avec ça qu'on lutte contre l'esclavage.

 

Non. Car on ne peut rien construire d'universel là-dessus.  Comment concevoir un désir commun malgré la disparité de nos petites vies ? C'est la question (redoutable) à laquelle Kant essaie de répondre.

Et comment s'y prend-il ?

En cherchant si l'on peut vouloir une chose non pas en raison du bénéfice qu'on en attend, mais pour elle-même, inconditionnellement et séparément de toute conséquence (ce qu'il appelle "l'impératif catégorique") ?

Et une telle chose existe-t-elle ?

Mais oui ! La seule chose dont, dit-il, "l'existence en soi-même ait une valeur absolue, et qui, comme fin en soi, relève d'une volonté universelle, c'est l'homme lui-même" - ou plutôt, c'est l'humanité dt chaque homme est porteur.
Pour le dire simplement : nous ne voulons pas réussir ds la vie, comme on veut, au nom de l'humanité, que l'esclavage soit aboli. Le premier désir suppose la mise en oeuvre de moyens adaptés à ma petite existence, alors que le second désir est universel et sans condition. Et c'est à cette bonne volonté, à cette libre bonté, que ns rendons grâce chaque fois que le cœur se soulève à l'idée de l'esclavage. 
Il y a deux hommes en tout homme : le premier n'est qu'un individu, et le second est un sujet.
Le premier est un égoïsme, qui relève de l'habileté, du calcul ou de la prudence.
Le second est une subjectivité qui, en considérant que ce qui s'applique à moi vaut aussi pour tout homme, affirme rejoint l'universel comme on retrouve sa source vive, et donne ainsi le jour à la notion de dignité.

La morale de l'info? 
(la formulation kantienne de l'impératif catégorique) "Agis de telle façon que tu traites l'humanité (...) toujours comme une fin, et jamais simplement comme un moyen."