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Au surlendemain des attentats de Manchester, comment échapper au désespoir et à la lassitude quand on se dit qu'on n'en finira jamais avec le terrorisme

Que faire de l'horreur qui revient ? Comment échapper au désespoir et à la lassitude quand on se dit que, quoiqu'il arrive, on n'en finira jamais avec le terrorisme ? C'est ici, au surlendemain des attentats de Manchester, que la lecture d'Albert Camus s'impose, une fois de plus.

Oui, car nous sommes, face au terrorisme, ds la position de Sisyphe dont le rocher retombe, comme vous savez, à l'instant où il croit avoir fini de le pousser. A peine sortons-nous d'un traumatisme qu'un nouvel attentat nous y replonge aussitôt : alors comment ne pas baisser les bras devant une tâche qui est sans cesse à recommencer ? Pourquoi tenter de couper la tête de l'hydre, puisque la tête repousse toujours ?

Et de quelle manière Camus répond-il à cette question ?

Il n'y répond pas. Il la surmonte, cette question.

C'est-à-dire ?

C'est au cœur du désarroi qu'il trouve une raison d'agir.  Camus ne dit pas : "gardez l'espoir, ne vs en faites pas, tout ira mieux demain. Un jour vous verrez, il n'y aura plus de terrorisme." Camus dit, au contraire : "Perdez l'espoir. Débarrassez-vous de l'espoir. Des terroristes et des attentats ignobles, il y en aura toujours. Cessez de vous compliquer la vie avec l'espoir et remplacez-le par la force d'accomplir au quotidien la tâche de maintenir, malgré tout, le monde en sa beauté."
Or, quand on pense comme ça, la grande fatigue disparaît.
Car celui qui fatigue, celui qui n'en peut plus de porter le caillou, c'est l'homme d'espoir qui rêve, les yeux ouverts, comme d'une normalité ajournée, d'un monde enfin sans terrorisme.

Or, ce monde-là n'existe pas. C'est ça qu'enseigne Camus.

Evidemment. La peste revient toujours. La Peste, ça recommence. Aussi sûrement que retombe le rocher de Sisyphe. Ms quand on sait ça, quand on ne commet pas l'erreur de suspendre son énergie à l'espoir introuvable d'une sortie de crise, bref quand on consent à l'absurdité des choses, à la violence inévitable, à l'intermittente résurrection du fanatisme et à l'insondable lâcheté de ceux qui trouvent des excuses aux assassins, quand on consent à tout cela, on est infatigable et, d'une certaine manière, on est invincible.

La Morale De l'Info ?
(Camus) "Un chant d'amour sans espoir peut aussi figurer la plus efficace des règles d'action."