Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Les déboires d’un couple d’éleveurs du Doubs. Il a renoncé à installer un petit élevage de porcs sur la commune de Larnod, pas très loin de Besançon. C’est Ubu au pays des cochons.
Le début de l’histoire, c’est celle d’une ferme familiale : 90 vaches qui produisent du lait pour le comté. Et un projet de diversification : un petit élevage de porcs label rouge sur de la paille, mais il ne verra jamais le jour, les agriculteurs ont jeté l’éponge.
Sur le papier, ils avaient tout bon.
Une petite exploitation familiale, “ à taille humaine”, comme on dit. 400 cochons, cela représente un quart de la taille moyenne d’un élevage porcin en France. Lesquels sont parmi les plus petits d’Europe. Un élevage label rouge, sur de la paille, c’est un modèle excellent pour le bien être animal, avec moins de nuisances olfactives. On est à des années lumières des “ fermes usines” que dénoncent les opposants à l’élevage.
Que s’est-il passé ?
Une levée de bouclier sidérante, qui est allée bien au-delà de cette commune de 800 habitants et qui dépasse, et de loin, les frontières du raisonnable. Ce projet d’élevage de porcs a fait l’objet d’une pétition qui, on ne sait comment, a connu une ampleur nationale, et qui a recueilli près de 35 000 signatures, de gens vivant parfois à l’autre bout de la France, qui ont signé au nom d’assertions fallacieuses, notamment sur les pollutions engendrées. Un battage qui a poussé le maire de la commune, sous la pression, à refuser le permis de construire. Les agriculteurs n’ont pas fait appel.
Pourtant, ce projet n’a pas fait tiquer les services de l’Etat, pas même ceux chargés de la protection de l’environnement
Non. Dieu sait qu’en France, installer un élevage est difficile. Mais à cette taille, un élevage n’a même pas besoin d’une autorisation de la préfecture pour s’installer, une simple déclaration suffit. Et d’ailleurs, il a reçu toutes les validations environnementales, urbanistiques, des services de l’Etat. Ils n’ont identifié aucun risque de pollution du milieu et de la nappe phréatique, aucune nuisance majeure. Mais peu importe, les opposants s’en sont donnés à coeur joie, décrivant un tableau apocalyptique d’une grande mauvaise foi. Car tout cela repose surtout sur la crainte de la dévalorisation du patrimoine immobilier de quelques riverains.
Le symptôme d’une France qui ne sait pas ce qu’elle veut.
La société française a besoin de vite se remettre les idées en place. Elle ne peut pas continuer à vouloir le beurre et l’argent du beurre. Elle ne veut pas des importations de viande brésilienne, produites à coups d’antibiotiques, elle exige un élevage à taille humaine et de qualité.. Mais elle dénie aux agriculteurs le droit de produire ici une alimentation aux meilleurs standards. Résultat : il est quasiment impossible en France d’installer le moindre poulailler, la moindre porcherie.
Ce double discours est applicable à quasiment toutes les filières agricoles françaises. Le résultat est couru d’avance : les exploitations ferment, nos importations alimentaires explosent. Cette année, notre balance commerciale agricole sera sans doute déficitaire. Nous gâchons, comme des enfants gâtés un de nos plus beaux secteurs économiques.