Tous les matins, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son “Voyage en absurdie”, du lundi au jeudi.
L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été arrêté en Algérie le 21 novembre dernier. Il est depuis détenu pour des raisons qui restent obscures. Et il ne faut pas compter sur l’ONG Amnesty International pour s’en émouvoir.
Il a fallu attendre 15 jours après la mise au secret de Boualem Sansal pour qu’Amnesty International, ONG spécialisée dans la défense des droits de l’Homme s’exprime à son sujet sur le réseau social X. Et encore, parce qu’elle a été interpelée par un utilisateur qui s’étonnait de son silence quant à cette détention arbitraire. Il n’y a à cette heure toujours aucun communiqué sur le site d’Amnesty International concernant l’écrivain.
Pas une condamnation ? Pas une adresse aux autorités algériennes ?
Non. Rien. Et avec la suite de messages publiés sur X, Amnesty a pris son temps pour ne rien dire et pour éviter de condamner l’arrestation de Boualem Sansal. Un exercice de contorsion digne du cirque du soleil. Je le lis en entier. “nous travaillons activement – et depuis que nous avons été alertés – à obtenir des informations quant à la situation de Boualem Sansal. Les informations selon lesquelles il serait détenu uniquement en lien avec l’exercice de son droit à la liberté d’expression sont très préoccupantes. Malheureusement, pour l'heure, Amnesty n’a pas encore été en mesure de vérifier de façon indépendante les éléments relatifs à son arrestation. Nous appelons donc les autorités algériennes à indiquer clairement les raisons de sa détention et à l’inculper rapidement d’une infraction légitime reconnue par le droit international ou bien à le libérer immédiatement.”
C’est extrêmement prudent...
Ce n’est pas prudent, c’est lâche. Cette façon de s’excuser de demander pardon au régime algérien pour lui suggérer de bien vouloir, sans trop se déranger, s’il a cinq minutes, justifier l’embastillement d’un écrivain de 75 ans est honteuse.
Selon l’avocat de Boualem Sansal, son client est poursuivi pour « atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale du pays » et pour « complot contre la sûreté de l’État ». L’agence de presse publique algérienne justifie cela en l’accusant d’un “délire révisionniste» et «d’une tentative de nier l’existence de la Nation algérienne». Rien d’autre. Ca s’appelle un délit d’opinion. Boualem Sansal est emprisonné pour avoir exercé sa liberté d’expression en déplaisant au régime algérien.
Il est incompréhensible qu’Amnesty se tortille de la sorte. Si, comme l’ONG le claironne, la liberté d’expression “a toujours été au centre de son action”, elle doit exiger la libération de Boualem Sansal. Pas offrir au régime algérien de valider son emprisonnement
On a beaucoup lu que Boualem Sansal est utilisé contre Amnesty pour détourner l’attention du travail qu’elle fait pour dénoncer ce qu’elle appelle un “ génocide à Gaza”
Osons espérer qu’une ONG qui clame que “ Lorsque les droits humains sont en jeu, chaque combat mérite une victoire” reste capable de s’indigner pour des causes différentes à un même moment. Espérons aussi qu’en cette période folle, où le conflit israélo palestinien pollue tout, Amnesty n’est pas devenue un instrument au service de causes qui n’ont pas grand-chose à voir avec la défense des droits de l’Homme, mais plutôt avec un agenda politique anti-occidental, ou l’Etat de droit est démonétisé. Qu’elle refuse de qualifier le
Hamas de terroriste le laissait hélas penser, qu’elle refuse de défendre fermement Boualem Sansal le confirme.