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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Les boîtes en bois des camemberts, des Monts d’Or vont-elles disparaître en Europe en 2030? Les fabricants de fromage sont vent debout contre une directive européenne qui promet l’interdiction de ces emballages traditionnels en bouleau. D’où vient cette idée ?

C'est la proposition de la Commission européenne pour la prochaine directive sur la réduction des emballages, qui est en ce moment en discussion au Parlement. Idée simple, de bon sens : il faut diminuer drastiquement le volume des emballages que nous produisons, notamment les emballages en plastique, qui engendrent d’énormes pollutions

Et comment est-ce qu’on en arrive à l’idée de supprimer les boîtes en bois ? Elles ne représentent pas une menace écologique.

Cette loi propose d’interdire les emballages  non recyclables, non réutilisables. Les emballages en bois entrent au sens strict dans cette catégorie. Il n’y a pas de filière de recyclage pour les boîtes de camembert. On ne les réemploie pas, sauf exception pour ranger des babioles.  On ne parle pas d’ailleurs que de ces boites de fromage ! Dans l’inventaire à la Prévert du non recyclable non réemployable  qui pourrait être interdit, on trouve aussi les bourriches d’huitre, les élastiques des bottes de radis, les filets à oignons

Ça paraît un énorme contresens  que d’interdire les boites en bois !

Effectivement. Un emballage bio et biodégradable, local, léger, solide, issu d’un cycle de captation de carbone – la forêt-  et qui n’utilise pas de ressource fossile, ça paraît totalement inepte de s’en priver. D’autant que l’alternative, pour les fromages fragiles, pour les huîtres, ce sont des contenants en plastique !

Alors, j’ai essayé de comprendre, j’ai discuté avec des députés européens qui sont atterrés par cette idée de disparition des boîtes traditionnelles... Et l’une de ces députés, qui se bagarre conte l’interdiction, m’a dit la chose suivante qui nuance beaucoup l’affaire.

“la Commission ne s’est pas réveillée un matin en se disant, on va faire un truc stupide pour bien braquer les gens. On va supprimer les boîtes de camembert. Non : elle a une logique cohérente : le réemploi et le recyclage des emballages. Elle veut forcer des entreprises comme Amazon, ou les industriels du plastique qui développent des produits sans se soucier du retraitement à arrêter de faire n’importe quoi. Le bois, c’est un angle mort de cette politique. Un tout petit marché de l’emballage auquel personne n’a pensé, tout simplement parce qu’il n’est pas la cible.

Et ces boîtes seront finalement interdites en 2030 ?

Probablement pas. Le Parlement travaille sur des exemptions, les députés européens servent à ça, à faire remonter du terrain les effets pervers des cadres juridiques très larges. Pour ce qui est des boîtes en bois, une grande partie des usages sont protégés par les appellations géographiques. Elles sont indissociables du processus de maturation du fromage.

Et si vous entendez en ce moment parler de ces boîtes en bois, c’est que la filière s’agite, pour faire réagir les parlementaires. Et ça marche. On ne parle pas de sujets polémiques, pesticides, nucléaire : les boîtes en bois et les bourriches, tout le monde est pour. Elles vont survivre au rouleau compresseur bruxellois.