Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Une histoire qui se termine raisonnablement, alors qu’elle était très mal partie.
Elle se déroule en Saône-et-Loire, près d’Autun. Elle implique un éleveur de vaches charolaises, un ruisseau, un castor, des agents de l’office français de la biodiversité et un juge sensible aux éléments rationnels. Et elle se solde par une dispense de peine pour l’éleveur, qui risquait 150.000 euros d’amendes et trois ans de prison, pour avoir enlevé des branchages d’un ruisseau.
L’histoire commence au printemps dernier
Elle est racontée par le site Autun infos, photos à l’appui, ça vaut le coup d’oeil, parce que c’est ce que l’éleveur a produit en justice pour étayer sa bonne foi. Au printemps dernier, cet agriculteur, par ailleurs élu local et responsable de la transition écologique pour sa communauté de communes, avait constaté qu’une de ses parcelles était inondée. L’eau menaçait la zone commerciale en contrebas. La cause : un amas de branches sur un ruisseau. Un petit barrage de castor. Il l’avait enlevé.
Il a eu tort.
Il a enfreint la pléthorique législation française qui régit la moindre haie, le moindre fossé. On n’a pas le droit d’y toucher sans autorisation, sous peine de sanctions lourdes, pour des atteintes à la biodiversité. Castor ou pas castor, d’ailleurs. On peut très bien invoquer poissons, grenouilles, insectes. Mais pour avoir l’autorisation, il faut affronter un maquis de règles, d’interdictions, de calendriers qui se superposent... Et qui interdisent les gestes de bon sens, comme d’enlever des branches d’un ruisseau.
Et l’éleveur s’est fait prendre la main dans le sac.
Il a été dénoncé à l’office français de biodiversité (OFB), sorte de police de l’environnement, dont les rapports aux agriculteurs sont tendus. Lequel OFB avait porté plainte pour “destruction de l’habitat d’une espèce protégée “. Direction la correctionnelle. Mais mardi, la justice a été convaincue par les arguments de l’éleveur : l’enlèvement des branches a évité des dégâts, sans pour autant nuire au castor. L’affaire a été classée sans suite, avec un rappel à la loi. “Le procureur a bien vu les conséquences du barrage, explique l’éleveur. C’est une victoire, il faut que cela fasse jurisprudence. Ce que je souhaite, c’est que les agents de l’OFB viennent discuter, voir. Je dis juste qu’en enlevant les branchages dans le ruisseau, on peut convaincre le castor d’aller 150 mètres plus loin, sur la rivière. C’est du bon sens. Mais les agents de l’OFB sont enfermés dans leur idéologie.”
Cette histoire a commencé comme une fable. Est-ce qu’elle a une morale ?
C’est à cause de cette incapacité imposée aux agriculteurs d’entretenir les fossés que les inondations du Pas-de-Calais ont pris une telle ampleur, il y a tout juste un an. Résultat : des milliers de sinistrés. Les excès de la réglementation créent ce genre de situations absurdes, où il n’est plus possible de régler par le simple bon sens des situations qui pourraient l’être, sans pour autant détruire la biodiversité. Des situations qui font de citoyens lambdas des repris de justice. Parmi les demandes des agriculteurs dans l’interminable crise du secteur, il y a la simplification administrative, l’allégement des normes, notamment pour les haies et les cours d’eau. On a là un cas d’école qui coule de source.