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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Cette semaine, dans les principaux ports de marchandises de France, une grève a été  déclarée pour 72 heures. Plus d'activité du mardi au jeudi soir, ce sont des actions de protestation contre la réforme des retraites. Ces opérations qui s’appellent “ ports morts” sont devenues de la routine depuis le début conflit social, elles s’intensifient.

Et elles portent bien leur nom, pas seulement pour ce qui se passe dans le cadre de ce conflit social... Port mort aussi pour le mal que cela fait aux ports français. La France compte sept grands ports maritimes (Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes Saint-Nazaire, La Rochelle, Bordeaux, Marseille). Ils ont petit à petit disparu des classements mondiaux et même européens. Dans un monde dominé par les ports asiatiques, Rotterdam, Anvers, Hambourg Brême, Valence, eux s’en tirent mieux.

Un seul port français à figure dans le top 100 mondial du trafic de containers, c’est celui du Havre, au 68e rang.  C’est quand même quand même dommage pour un pays qui compte 1000 km de littoral, une histoire dense de la marine marchande et qui a la deuxième domaine maritime au monde.

Comment on explique cela ?

Un indice :la banque mondiale tient un classement des 370 infrastructures portuaires dans le monde en fonction du temps de chargement et de déchargement des navires.

Les ports français brillent par leur inefficacité.  Le port de Bordeaux figure à la 228e place, celui du Havre à la 292e, Marseille à la 315e.

Nos ports ont été sous-investis, pendant longtemps., ils étaient vieillots, les clients étaient allés voir ailleurs.  C’est dur à rattraper, une route maritime qui se détourne, les chaînes logistiques ça ne se change pas en un clin d’oeil

On avait tenté de redresser la barre

 Il y avait eu de gros efforts, notamment un plan d’investissement en 2018.  Ca allait mieux, au sortir du covid, nos ports avaient repris du poil de la bête.  En 2021, ils avaient enregistré des fortes croissances. Notamment le port du Havre (HAROPA), 25% d’activité en plus. Il avait beaucoup investi dans ses infrastructures, ça payait. Mais patatras, guerre en Ukraine et maintenant mouvements sociaux, une belle occasion sabotée.

Autant vous dire que le trafic qui connaît des à -coups à cause des grèves, des blocages, c’est dévastateur. C’est des clients qui s’en vont et qui ne reviennent pas.

La grève des dockers, une passion française...

Surtout dans un monde portuaire où la CGT est en position dominante.  La propension française à la grève portuaire explique une bonne part de nos déboires, de la difficulté à moderniser, à décarboner,  à la manutention aléatoire. Tout est sujet à conflit.

Ce n’est pas simplement une vue de l’esprit, ou un dénigrement gratuit de la lutte sociale. Ca fait partie de la réputation mondiale des ports français, ils ont le piquet de grève facile.

Je me suis appuyée pour cette chronique sur une enquête réalisée il y a deux ans par le très intéressant Journal de la marine marchande, qui raconte comment ça se passe ailleurs, dans les ports concurrents. Des grèves, il y en a dans les ports belges. Aux Pays-bas, elles sont circonscrites aux revendications au sein d’une entreprise. En Allemagne, la grève politique dans les ports est interdite, elle n’est autorisée que pour ce qui concerne strictement le travail des dockers. En Espagne, les grèves se font rares depuis 2017 et une réforme des procédures d’embauche des dockers...

Le résultat de tout ça, c’est le gâchis de nos atouts. Un container sur deux destiné à la France transite... par un autre port européen !