PSA supprime les retraites chapeaux : vraiment ?

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ZOOM - Le groupe automobile a annoncé jeudi une réforme de ce système de retraite surcomplémentaire, certes importante, mais pas sa suppression. 

Le dossier des retraites chapeaux s'invite à nouveau chez Peugeot-Citroën et, pour une fois, il n’est pas question de montant stratosphérique ni de scandale. Le groupe automobile PSA a annoncé jeudi la suppression du système de retraites chapeaux dont bénéficient les membres de la direction. Mais une nouvelle fois, le moindre mot à son importance. Si le système actuel est bel et bien supprimé, cela ne signifie pas pour autant la fin des retraites chapeaux : un nouveau système sera instauré dans la foulée.

Un choix courageux mais aussi nécessaire. "Sur proposition du président du directoire [Carlos Tavares], le conseil de surveillance de PSA Peugeot Citroën a validé le principe de mettre fin au régime de retraite supplémentaire à prestations définies dont bénéficiaient les dirigeants mandataires sociaux et les membres du comité exécutif du groupe", a annoncé PSA jeudi dans un communiqué.

En clair, le système actuel de retraites chapeaux va disparaître, une décision rare dans un contexte où ce type de rémunération est présenté comme indispensable pour attirer les meilleurs manageurs. Il faut dire que ce dernier est plus que contesté au sein d’une entreprise qui a frôlé la faillite en 2014 : le groupe a supprimé 11.000 postes depuis 2013, fermé le site historique d’Aulnay-sous-Bois, imposé un gel des salaires depuis 2012 et n’a survécu que grâce à l’aide de l’Etat français et du chinois Dongfeng. Consacrer des dizaines de millions d’euros pour compléter la retraite et la retraite complémentaire des dirigeants passait mal, tant en interne qu’auprès du grand public.

Des retraites chapeaux réformées mais pas supprimées. Si le système actuel va être supprimé, cela ne signifie pas pour autant la fin des retraites chapeaux chez PSA, comme cela a pu être relayé par les médias. "Un nouveau système de retraite à cotisations définies est mis en place; ainsi l'entreprise ne garantira plus un certain niveau de retraite, mais versera un montant annuel directement lié aux résultats du groupe et à sa performance", précise le communiqué de PSA.

En clair, les futurs bénéficiaires ne toucheront plus un montant garanti, mais qui dépendra de l’état de santé du groupe. Et le groupe automobile d’estimer que cette réforme va par exemple coûter trois fois moins cher en ce qui concerne son président du directoire. Une telle réforme devrait permettre d’économiser 34 millions d’euros en 2015, une somme qui va être redistribué à l’ensemble des salariés.

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 Comme un air de déjà vu. Ce n’est pas la première fois que le groupe PSA annonce un geste fort, sauf que la dernière fois il fallait bien lire entre les lignes. En novembre 2013, le futur ex-patron, Philippe Varin, annonce qu’il renonce à sa retraite chapeau. Le chiffre qui circule, 21 millions sur 25 ans, a en effet de quoi provoquer la polémique dans une entreprise aussi mal en point et pour un PDG qui a moins de 5 ans d’ancienneté dans l'entreprise. "Compte tenu de la polémique que ce sujet a suscitée, de l'émotion dans notre pays qui a aujourd'hui besoin d'être rassemblé plutôt que divisé, (...) j'ai décidé de renoncer aux dispositions actuelles de mes droits à retraite", déclarait Philippe Varin. 

Sauf que le diable se cache dans les détails. Philippe Varin a bien précisé qu'il s'agit des dispositions "actuelles". En clair, il abandonne la retraite chapeau prévue en novembre 2013 mais ne ferme pas la porte à une version remaniée. Le 6 mai 2015, le site Deontofi.com révèle que Philippe Varin bénéficiera bien d’une retraite chapeau. Montant de cette retraite "supplémentaire" : 299.000 euros brut par an, en plus de sa pension.

La prudence s’impose donc à propos de cette réforme. Ainsi, si l’annonce d’une facture divisée par trois est valable aujourd’hui, ce système de retraite chapeau pourrait coûter bien plus cher si le cours en Bourse de PSA retrouve ses niveaux d’avant 2009 ou si sa production automobile augmente sensiblement.

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 Une prime aux salariés qui pose question. L’annonce de PSA contient également une bonne nouvelle pour ses salariés : "le directoire a décidé de redistribuer à l'ensemble des salariés les économies" ainsi réalisées, c’est-à-dire 34 millions d’euros, précise le communiqué. Une décision saluée par les syndicats et qui devrait se traduire par une prime d’environ 400 euros par salarié.

Mais là aussi, certains syndicats dont la CGT redoutent que ce geste ne soit aussi une manœuvre : "un effet d'annonce pour mettre sous le tapis le sujet des salaires, qui sont bloqués depuis mars 2012". Or depuis cette date, les salaires ont sensiblement augmenté ailleurs : +2,1% en 2012, +1,7% en 2013 et +1,4% en 2014, d’après les calculs de l’Insee. Pour un salarié moyen de PSA touchant 2.000 euros par mois, cette prime de 400 euros équivaut à une augmentation de 1,7%, soit une année de rattrapage. Sauf qu’une prime est ponctuelle alors qu’une augmentation est acquise pour les années suivantes. Les syndicats ne veulent donc pas que ce qui ressemble à une belle annonce, tant en interne qu’à l’extérieur, ne finisse en manœuvre pour redorer l’image du groupe et éviter de négocier une revalorisation salariale.