Prélèvement à la source : toutes les réponses à vos questions

Au total, 38 millions de Français sont concernés par le passage au prélèvement à la source.
Au total, 38 millions de Français sont concernés par le passage au prélèvement à la source. © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Thibaud Le Meneec , modifié à
Favorablement accueillie par une majorité de Français, selon plusieurs sondages, l'introduction du prélèvement à la source génère des craintes sur le changement du mode de calcul de l'impôt. Sur Europe 1, les spécialistes de ce dossier on fait Le Tour de la question avec Wendy Bouchard.

Annoncé, remis en question puis finalement confirmé : le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu sera mis en place au 1er janvier 2019. Complexe, ce mécanisme est encore méconnu de millions de millions de contribuables concernés par la réforme. Wendy Bouchard et ses deux invités, l'économiste Marc Touati et l'avocate fiscaliste Gaëlle Menu-Lejeune, ont répondu mercredi matin à vos nombreuses interrogations dans Le Tour de la question, sur Europe 1.

Qui est concerné ?

"Tout ceux qui payent l'impôt sur le revenu", indique Marc Touati, économiste et président de l'ACDEFI (Aux Commandes De l’Economie et de la Finance). Au total, il y a 38 millions de contribuables qui sont concernés par cette réforme, soit un Français sur deux. 

Va-t-on payer des impôts sur les revenus de l'année 2018 ? 

"En 2019, l’impôt dû au titre de vos revenus courants perçus en 2018 et dans le champ de la réforme sera annulé au moyen d'un crédit d'impôt spécifique (Crédit d'Impôt Modernisation du Recouvrement - CIMR)", détaille l'administration fiscale sur son site, qui précise que des revenus particuliers ou exceptionnels (comme une prime de départ à la retraite) ne rentre pas dans le champ de ce CIMR. "La notion de revenu exceptionnel a été mise en place (…) pour éviter d'affranchir tout le monde de l'impôt" et éviter des stratégies de maximisation des revenus en 2018 et de minimisation de ceux-ci en 2017 et 2019. "Il faut aussi comprendre que l'État a besoin d'encaisser ses 75 milliards d'impôt sur le revenu, comme à peu près tous les ans", ajoute Gaëlle Menu-Lejeune, avocate fiscaliste et associée au cabinet Fidal. 

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici

"Est-ce que le comptable de mon entreprise saura combien j'ai sur mon compte ?", Martine.

"Ce sera prélevé sur le salaire, donc le comptable n'aura pas accès aux comptes du salarié. Mais il faut prévoir car quelqu'un qui est dans le rouge sans prélèvement à la source doit faire attention", explique Marc Touati. "Aucun service n'a accès à votre compte bancaire. Aujourd'hui comme demain, ce n'est pas un sujet", abonde Gaëlle Menu-Lejeune, qui précise par ailleurs que les employeurs ont déjà le RIB de leurs salariés, "pour virer les salaires". 

Faudra-t-il toujours faire une déclaration d'impôts ? 

"Toujours !", affirme Gaëlle Menu-Lejeune. "Tout le monde garde le principe de la déclaration. La seule chose qui change, c'est la façon dont vous payez vos impôts. On la fera selon le même calendrier que d'habitude.

  1. De janvier à décembre 2019, vous paierez chaque mois l'impôt sur le revenu,
  2. En mai-juin 2020, vous ferez votre déclaration sur les revenus 2019.

"Qu'en est-il pour les professions libérales ? ", Jonathan, médecin.

Pour elles, "il faut procéder de la manière classique en contactant l'organisme de gestion agréé en janvier-février prochain", ajoute la spécialiste.

En réalité, le processus sera un peu différent de celui à l'oeuvre pour les salariés, qui représentent 90% des actifs occupés en France. "Pour les indépendants et professions libérales, il faudra spontanément payer un acompte tous les mois, de janvier à décembre. Cet acompte va être calculé par l'administration fiscale sur la base des revenus déclarés l'année précédente. Pour ces professions, il y aura un ajustement", pointe l'avocate fiscaliste.

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Comment les primes reçues au cours de l'année seront-elles prises en compte ?

Les primes seront intégrées l'année suivante. "Vous allez payer l'impôt au mois le mois mais l'année suivante, quand on verra l'ensemble des revenus (via la déclaration d'impôt, NDLR), il y aura des ajustements. Il ne faut pas croire que ce sera très simple", met en garde Marc Touati. 

"Mes revenus de 2017 sont bien supérieurs à ceux de 2018. À partir de quand puis-je adapter mon taux d'imposition ?", Françoise, retraitée depuis 2017.

"La première retraite concernée sera celle de janvier 2019. La caisse de retraite de base et la caisse de retraite complémentaire vont prélever sur le montant de la retraite à verser. Vous recevrez donc une retraite nette d'impôts", expose Gaëlle Menu-Lejeune. "Avant le 15 septembre, il est possible de prendre contact avec le centre des impôts pour expliquer sa situation et obtenir un nouveau taux", poursuit l'avocate fiscaliste. Cette date butoir peut aussi intéresser les personnes en couple avec de grosses différences de revenus, afin d'obtenir un taux individualisé.

"Je fais quelques surveillances à la fac, ce qui représente environ deux mois de travail. Serai-je seulement imposée sur ces deux mois ?", Annie, retraitée. 

"Si vous étiez, avec la retraite et le complément de revenus, à un taux d'imposition de 0%, il ne va rien se passer", indique Gaëlle Menu-Lejeune. "Si le taux de prélèvement est de 8%, par exemple, l'État va prélever 8% de la retraite et 8% des revenus complémentaires, mais au total, vous ne paierez pas davantage." "Les perdants sont ceux qui avaient des réductions d'impôts et qui vont devoir avancer la somme alors qu'avant ils ne payaient pas du tout d'impôts car dans le nouveau système, la réduction d'impôts ne sera que de 60% et il faudra avancer les 40% restants même si, sur l'année, on s'y retrouvera", déplore Marc Touati.

"Est-on concerné si on est chômeur en 2018 et si on travaille en 2019 ?", Éric.

Non, car la personne concernée sera prélevée sur ce qu'elle va toucher. La seule différence, c'est que le paiement de l'impôt se fera dès 2019 au lieu de 2020, en théorie, avec l'ancien système. C'est psychologique. 

"Je travaille nettement moins cette année qu'en 2017 et certainement moins qu'en 2019. Est-ce que j'aurais un remboursement d'impôt l'année prochaine ?"

"Non, il n'y aura pas de rattrapage. Avec des revenus plus fluctuants, l'État est vigilant et a mis en place un dispositif pour les libéraux afin de regarder si l'augmentation éventuelle des revenus en 2018 est normale ou non, s'il s'agit d'un surcroît d'activité ou pas."

"J'ai deux logements à titre locatif sur lesquels je devais faire des travaux cette année mais mon expert-comptable m'a conseillé de ne pas les faire cette année", Denis, médecin.

Si les travaux sont effectués en 2018, "il est possible de déduire la moitié de ces travaux en 2019", souligne Gaëlle Menu-Lejeune. "Donc il y a quand même un avantage à faire des travaux en 2018".

"Si je fais un don à une association, comment ce don va-t-il être pris en compte ?", Monique, de Roubaix. 

En janvier 2019, "vous allez recevoir 60% du don que vous avez fait en 2018 et ensuite le solde au moment où l'avis d'imposition sera calculé", détaille Gaëlle Menu-Lejeune. Soit en août 2019.

"Qu'en est-il du prélèvement à la source pour les demandeurs d'emploi ?", Stéphanie.

C'est Pôle emploi qui va prélever l'impôt si vous êtes imposable. Mais si vous avez un taux d'imposition de 0%, il ne se passera rien.