Le chômage remonte, les inquiétudes aussi

Après avoir enregistré une hausse de 3,9% au quatrième trimestre 2024, le chômage en France mine le moral des ménages. Une hausse qui ne s'arrêtera pas en 2025 selon les prévisions des institutions économiques. Tout le territoire national est concerné et les plans sociaux se multiplient.
"Est-ce qu'ils vont trouver un miracle?" : de Paris à l'Alsace en passant par Cholet, la remontée du chômage suscite des inquiétudes chez les demandeurs d'emploi comme chez les salariés touchés par de récents plans sociaux.
Un taux de chômage de 8% d'ici la fin de l'année
Fin janvier, les données concernant les inscrits à France Travail ont affiché la couleur : le nombre de chômeurs (catégorie A, sans activité) a grimpé de 3,9% en France au quatrième trimestre 2024, la plus forte remontée en une décennie en dehors de la crise Covid.
Mardi, l'Insee doit dévoiler à son tour le taux de chômage au quatrième trimestre (mesuré au sens du BIT et permettant des comparaisons internationales), actuellement de 7,4%.
S'il n'est pas exclu qu'il reste stable ce trimestre, les principaux organismes économiques attendent une hausse cette année : l'Insee le voit à 7,6% mi-2025, la Banque de France "entre 7,5% et 8% en 2025-2026" et l'OFCE aux alentours de 8% pour la fin 2025.
Un retournement du marché du travail source d'angoisse pour ceux qui craignent de rester sur le carreau. Devant une agence parisienne de France Travail, Rowan Vienn, qui a terminé un CDD depuis trois mois et cherche dans le prêt-à-porter ou envisage une reconversion, confie que la hausse du chômage lui fait "un petit peu peur".
"Est-ce qu'il va y avoir une solution, est-ce qu'ils vont trouver un miracle ?", questionne le jeune de 25 ans, venu de Seine-et-Marne pour une matinée porte ouverte et qui a "postulé un petit peu partout" sans réponse à ce stade.
"Il y a du monde qui cherche du travail, beaucoup" et "beaucoup d'entreprises sont déjà fermées, en faillite", constate devant la même agence, Mamadou, 22 ans, qui cherche un poste dans la restauration ou la boulangerie. "Ca va être difficile, ça fait quatre mois que je cherche", mais "on ne peut pas rester les bras croisés", dit-il.
"2025 s'annonce catastrophique"
Autre situation, mais même angoisse pour Jack Roux, 51 ans, salarié de Michelin à Cholet (Maine-et-Loire) depuis 24 ans. "On sait très bien que ça va aller mal", dit cet employé du groupe qui a annoncé fin 2024 la fermeture prochaine de deux usines, à Vannes (Morbihan) et Cholet, où travaillent 1.254 personnes.
"En 2024, c'était déjà pas terrible, mais 2025 s'annonce catastrophique. Toute notre crainte est là : celle d'avoir du mal à retrouver un emploi", dit-il, en relevant que dans son bassin d'emploi, habituellement peu touché par le chômage, "même ici en ce moment on liencie". A plus de 50 ans, Jack pense que "pour retrouver du boulot, ce sera dur".
A plus de 800 km de là, à Strasbourg. Dernier jour de travail pour la majorité des quelque 240 ouvriers licenciés de l'usine de l'équipementier auto Dumarey. Sandrine, 53 ans dont 30 ans d'ancienneté, a les larmes aux yeux.
"Je pense que je vais finir par retrouver du travail, mais pas dans une usine, c'est certain. Mais passé 50 ans, ce n'est pas évident", dit-elle. "Je ne sais pas vers quoi je vais me tourner, c'est clair que l'industrie, c'est grillé", dit aussi Malek Kirouane, délégué syndical CGT et technicien d'atelier, 57 ans, qui craint que beaucoup se retrouvent "sur la paille".
Les bénévoles de l'association Solidarités nouvelles face au chômage (SNC), qui accompagne depuis 40 ans les demandeurs d'emploi, constatent la détérioration de la situation. "Dans l'après-Covid, on avait deux demandes d'accompagnement simultanément, là on en a cinq ou six, ce qui n'est pas anormal mais commence à être important", dit François Peynet, bénévole à Périgueux.
Même constat à Nancy pour le bénévole Didier Fessard, qui note qu'après une phase de "chômage technique" post-Covid, la vingtaine de bénévoles ont "pas mal de demandes". Arnaud Delannoy, bénévole à Pévèle-Carembault (Nord), s'étonne que "bizarrement" il n'y ait pas de nouvelles demandes "alors qu'il y a pourtant des plans sociaux".
Mais, dit-il, "ce qui se passe, c'est que ces personnes-là qui sont dans des plans sociaux, en général, pendant six mois, un an, elles sont accompagnées par des cellules de reclassement, des cabinets. Nous, on sait que ces gens-là, on va les récupérer" d'ici à fin 2025.