La Poste se lance dans l’assurance : qu’est-ce que ça change ?

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Il sera possible, à terme, de souscrire une assurance dans les bureaux de poste. © ERIC PIERMONT / AFP
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Bercy a acté jeudi la création, fin 2019, d’un grand groupe public rapprochant La Poste et CNP Assurances. Une diversification de l’activité des postiers qui vise à mieux couvrir les besoins du territoire.

Le gouvernement a lancé jeudi le chantier d'un grand pôle public de banque et d'assurance, passant par le rapprochement des géants CNP Assurances et La Banque Postale. Ce mariage, fruit d’un montage financier complexe et qui verra concrètement le jour fin 2019, au plus tôt, doit aboutir à la création d’une grande entité sous la coupe de la Caisse des Dépôts. A terme, il sera donc possible de souscrire à une assurance dans son bureau de poste. Une évolution qui doit permettre de garantir l’avenir des postiers et résorber les fractures territoriales.

En quoi consiste ce rapprochement ?

Dans le détail, la Caisse des dépôts (CDC), actionnaire de La Poste à hauteur de 26% depuis 2011, deviendra majoritaire au capital du groupe en mettant la main sur une partie des parts détenues par l'État français via l'Agence des participations. En retour, la Caisse des dépôts apportera à La Poste sa participation d'environ 40% dans CNP Assurances. "Nous voulons créer un grand pôle financier public au service des territoires", a déclaré le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

"La Poste perd chaque année 6% de volume de courrier, les trois activités de la Poste, c'est la logistique, le courrier et la banque et l'assurance", a expliqué le ministre. "Nous allons lui permettre de développer massivement avec la CNP ce troisième volet d'activité, pour compenser la baisse du courrier", a-t-il ajouté. La Poste cherche à en effet à se réinventer, au moment où La Banque Postale, très dépendante des activités de détail, souffre comme l'ensemble de ses rivales des taux d'intérêt très bas.

Selon Éric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts, invité de l’interview éco d’Europe 1 jeudi, "cette opération est de nature à rassurer les agents et les salariés de La Poste car elle la renforce et lui garantit un avenir". En effet, les postiers sont confrontés à l’effondrement de leur activité principale : le courrier ne représente plus que 39% du chiffre d’affaires de La Poste, contre 80% il y a quelques années. "L’activité d’assurance assure le futur de La Poste", résume Éric Lombard.

Est-ce la fin du service public de La Poste ?

Cette opération voit l’État français transférer ses participations au sein du capital du groupe La Poste à la Caisse des Dépôts. Un changement de mains qui ne remet pas en cause son statut public. "La Poste restera un établissement public, il n'y aura aucune privatisation, aucune intention de privatisation, aucune arrière-pensée sauf une seule, que la Poste reste un grand service public, rentable, dynamique au service des territoires", a insisté Bruno Le Maire.

Même discours du côté de la Caisse des Dépôts. "La Caisse des dépôts est un établissement public. La répartition différente du capital de La Poste entre l’État et la CDC ne change pas la nature de La Poste, qui reste évidemment un établissement public", appuie Éric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts, au micro d’Europe 1.

Qu’ont à y gagner les clients de La Poste ?

Cette opération n’est pas que technique, les clients de La Poste en bénéficieront également. "La relation de clientèle entre CNP et La Poste va être renforcée, au bénéfice des clients", assure Éric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts. "Concrètement, cela veut dire aller là où les banques privées vont moins, financer les villes moyennes, les banlieues et le logement social."

La Banque Postale revendique aujourd’hui "17.000 points de contacts dont plus de 8.400 bureaux de poste". Un maillage territorial sans équivalent en France : il y a des bureaux de poste jusque dans les plus petits villages, là où les caisses d’assurance et les banques ne peuvent pas installer d’agence. A titre de comparaison, Axa, qui possède le plus vaste réseau de France, ne comptait "que" 3.551 agences sur le territoire. Pour de nombreuses petites communes, ce mariage offrira donc un accès de proximité aux services d’assurance.

Quand le nouveau groupe verra-t-il le jour ?

L’opération sera validée par le biais d’un amendement intégré à la loi Pacte, débattue à partir du 4 septembre au Parlement et pourrait être adoptée avant la fin de l’année. Mais l’opération ne pourra se faire qu’au plus tôt à la fin 2019, date d'expiration du pacte d'actionnaires de CNP Assurances conclu entre l'État, la Caisse des dépôts, BPCE et La Banque Postale.

Comment réagissent les postiers ?

Les syndicats de La Poste ont réagi jeudi en ordre dispersé à la décision du gouvernement d'unir La Banque Postale et CNP Assurances. "Il n'y a aucune incompatibilité entre un rapprochement entre la CNP et La Poste", observe SUD PTT, troisième syndicat du groupe. Il émet toutefois des réserves sur le retrait de l’État au profit de la Caisse des Dépôts. "La montée au capital de la part de la Caisse des Dépôts n'est en rien une garantie" et l'idée d'un "groupe financier public" est une "supercherie", juge SUD PTT.

"Par ailleurs, tout investisseur public qu'elle est, la CDC exige un retour sur investissement conséquent. Sa montée dans le capital de La Poste se traduira donc par une augmentation des suppressions de postes", a poursuivi le syndicat. "Pour nous c'est quand même une nouvelle porte qui s'ouvre vers la privatisation", a regretté Christian Mathorel, secrétaire général de la CGT-FAPT, premier syndicat du groupe.

Force ouvrière (quatrième syndicat de La Poste) a estimé de son côté, dans un communiqué, que l'annonce du gouvernement "allait dans le bon sens" en permettant à La Banque Postale de devenir "une vraie banque-assurance", même si "la vigilance s'impose" pour "garantir de manière pérenne les missions de service public".