Grèves : avec le retour de la croissance, gare au réveil des mouvements sociaux !

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Nicolas Bouzou , modifié à
Entre la grève de la justice, celle de l'école et dernièrement celle de la SNCF, le climat social se tend en France depuis quelques mois. Un corollaire de la croissance, que les syndicats souhaitent voir se répercuter sur les salaires. Pour notre éditorialiste Nicolas Bouzou, les mouvements sociaux vont se prolonger en 2022.
EDITO

Je pense que tout est réuni pour que le climat social de 2022 soit revendicatif. Première chose : on a de la croissance économique. En 2022, on aura entre 3 et 3,5% de croissance. Il faut bien comprendre que le climat social se détériore en général quand il y a de l'activité économique. Tout simplement parce que c'est là qu'il y a des choses à partager et des revendications salariales qui peuvent être satisfaites. "Partager les fruits de la croissance", dit Bruno Le Maire. Donc, il y aura de la croissance. Il y a aussi de l'inflation et ce phénomène pèse sur le pouvoir d'achat. L'inflation en France est de l'ordre de 3%. Et mon diagnostic, c'est sans doute qu'elle va durer un peu.

On a par ailleurs des difficultés salariales. Vous avez des gens dans notre pays qui travaillent 39 ou 40 heures par semaine et qui, au moment de Noël, n'ont pas les moyens d'acheter des cadeaux pour leurs enfants. Et d'ailleurs, on voit bien que le pouvoir d'achat, c'est intéressant à noter, est devenu le sujet numéro un de la campagne présidentielle. C'est ce que montrent toutes les enquêtes d'opinion. Alors tout ça, ça finit dans la rue. Il y a déjà eu pas mal de grèves ces dernières semaines : la justice, l'école, les éboueurs à Marseille, aux Antilles et dans le privé aussi chez Leroy Merlin, par exemple. 

Il n'y a jamais eu autant de grèves

En France, on a la conflictualité la plus grande de tous les pays de l'OCDE dans le secteur privé avec 114 jours de grève pour 1000 salariés. Alors imaginez si on ajoute le secteur public. Je voudrais vous dire quand même que cette question sociale, cette question des salaires et donc cette question des grèves sont une question mondiale. On retrouve cette question en France, mais aussi aux Etats-Unis. Il n'y a jamais eu autant de grèves depuis plusieurs décennies.

Est-ce que cette conjoncture justifie le mouvement social actuel de la SNCF ? Non, justement, car à la SNCF, il n'y a rien à partager. Les pertes, après 3 milliards l'année dernière seront comprises entre 1,5 et 2 milliards d'euros cette année, alors même d'ailleurs que les prix des billets de train sont déments. Quand j'ai fait mes réservations pour aller dans le Sud, franchement, j'avais l'impression d'acheter le TGV et pas des billets pour le TGV.

La grève SNCF, un abus de position dominante

Alors, les cheminots sont peut-être pas au courant puisqu'ils disposent de ce qu'on appelle les facilités de circulation, c'est-à-dire qu'ils ne payent pas les mêmes prix que nous. C'est quand même un peu étonnant pour une entreprise qui a une mission de service public. Et permettez-moi de vous dire que les primes qui viennent d'être obtenues - 600 euros pour les conducteurs et 300 euros pour les contrôleurs - ont été arrachées par du chantage sur le dos de personnes qui sont épuisés par la crise et qui ne pourront pas regagner leurs familles ce vendredi.

Ces primes vont d'ailleurs alimenter la dette de la SNCF, qui est déjà quasiment de 40 milliards d'euros au total. Ça n'est pas de la saine négociation, c'est de l'abus de position dominante. Espérons que la concurrence toute nouvelle de Trenitalia remette de l'ordre dans tout ça.