Cet été, des salariés de Hop!, filiale régionale d'Air France, ont manifesté contre les suppressions d'emplois. 2:36
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Charles Guyard, édité par Antoine Terrel , modifié à
Fragilisée par la crise du coronavirus, la région est frappée par de nombreuses suppressions d'emplois. Sur place, certains mettent en garde sur la colère des habitants qui monte. "Ça gronde", prévient-il.
ENQUÊTE

La situation économique et sociale va-t-elle exploser en Bretagne ? Dans la région, particulièrement touchée par la crise économique actuelle, de nombreuses entreprises ont annoncé des suppressions d'emplois, tandis que dans des villes comme Roscoff, la clientèle anglaise se fait rare, mettant en péril l'économie locale. Et sur le terrain, déjà agité par de nombreuses crises sociales ces dernières années, la colère monte.

D'entrée, le ton est donné à Morlaix, par son maire Jean-Paul Vermot. "Ça gronde dans le Trégor, ça gronde dans le Léon, et on sent que là, il y a cette coalition qui est en train de monter très fortement", prévient-il au micro d'Europe 1. "Le peuple pourrait se rebeller, il est temps que des décisions que nous avons demandées trouvent réponse auprès du gouvernement."

Par le passé, ces réponses ont parfois été réclamées de manière plus radicale, comme par exemple par les "bonnets rouges" et les "gilets jaunes". Mais la situation pourrait à nouveau s'enflammer face à la menace de casse sociale à Air France, chez Nokia, ou chez Britanny Ferries, en proie à des pertes records. De Lannion à Roscoff, en passant par Morlaix, la zone est en passe de devenir le triangle des Bermudes de l'emploi. 

Des fermetures aux lourds impacts 

Et quand une entreprise ferme, c'est tout un territoire qui trinque. "Un emploi industriel, c'est quatre à cinq emplois menacés induits", résume Benoît Dumont, responsable CGT à Lannion. "On a recensé 908 enfants de salariés Nokia, donc c'est autant d'enfants scolarisés, qui ne le seront plus ou moins sur le Trégor."

Yann Thomas, ingénieur de 42 ans et père de 3 enfants, devra lui quitter Nokia d'ici juin prochain. "On aura trois semaines pour qu'on fasse des entretiens pour nous aider à nous reconvertir. Mais trois semaines pour changer de vie, ça nous parait très léger", déplore-t-il. "On a cette maison, qui ne nous a pas coûté excessivement cher. Si on devait aller à Rennes, ça ne serait pas du tout le même tarif", craint-il. 

Les Anglais désertent Roscoff

Et après Nokia à Lannion et Air France à Morlaix, c'est désormais Britanny Ferries qui est en pleine difficulté à Roscoff. S'il n'y a pas eu de licenciement pour l'instant, les quelque 3.000 salariés naviguent à vue, dans une mer agitée par le Brexit et l'épidémie de coronavirus. Faute de passagers anglais, des bateaux restent à quai, des rotations sont supprimées. Et dans la ville, c'est la panique.

Dans son hôtel, Caroline Allard doit répondre aux demandes d'annulation de nombreux clients anglais, craignant d'être contraints à une quatorzaine de retour chez eux à cause du coronavirus. "Cette clientèle anglaise nous manque et va énormément nous manquer en octobre", explique-t-elle. Et d'ajouter, fataliste : "Je vais être obligée de licencier tout le monde. Je ne sais pas si je vais pouvoir continuer".

Alors que les hôtels souffrent, qu'en sera il demain si la situation perdure et entraîne le naufrage complet de la Britanny Ferries ? Un nouveau séisme social en perspective dont les conséquences pourraient bien faire trembler au-delà de cette région.