Croissance : "La France est de retour dans le peloton de tête"

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La croissance a atteint 1,9% en 2017, contre 1,1% en 2016. © LUDOVIC MARIN / AFP
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Avec une croissance retrouvée de 1,9% en 2017, la France reprend sa place parmi les économies les plus dynamiques. Un statut amené à durer selon l’économiste Christopher Dembik.
INTERVIEW

"France is back", affirmait il y a peu Emmanuel Macron à Davos. Une assertion qui se vérifie concrètement dans les chiffres de la croissance qui atteint 1,9% en 2017. Une dynamique (enfin) positive après trois ans de stagnation autour de 1% et surtout la meilleure performance depuis 2011. D’autant plus que la croissance est portée par des indicateurs solides comme la consommation et l’investissement. Concrètement, qu’est-ce qui se cache derrière ce chiffre de 1,9% ? Est-ce une base solide pour l’avenir ? Pour Europe1.fr, Christopher Dembik, chef économiste de la Saxo Banque, décrypte la croissance française.

Le chiffre de 1,9% est bon mais est-ce une surprise ?

Non, on s’y attendait. Même si Emmanuel Macron avait anticipé 1,4% lors de sa campagne, depuis plusieurs mois, les différentes prévisions économiques indiquaient que la croissance frôlerait les 2%. Le bon point, c’est la diversité des facteurs qui portent cette croissance. Autant le commerce international que la consommation des ménages et l’investissement des entreprises sont au beau fixe. C’est très positif.

Parlons de la consommation des ménages justement : comment interprétez-vous ce net rebond ?

On voit effectivement que sur la première partie d’année, c’est l’activité des ménages (+1,3% pour la consommation et +5,1% pour l’investissement) qui pousse la croissance. C’est notamment lié au contexte politique, mais pas uniquement. On sait qu’en année électorale, il y a systématiquement un rebond systématique de la consommation des ménages qui sont optimistes pour l’avenir. Une tendance qui se rééquilibre naturellement une fois les élections passées.

Si la dynamique est restée dans le vert pour la consommation en 2017, c’est aussi parce que les conditions de crédit sont restées extrêmement accommodantes grâce aux taux d’intérêt très bas. Même s’ils sont en train remonter progressivement, ils vont rester bas encore quelque temps. Donc les conditions de crédit vont rester bonnes en 2018 et la consommation des ménages va continuer sur sa lancée.

Cela a longtemps été un point noir en France mais ça y est, les entreprises investissent. Comment l’expliquer ?

Sur la fin d’année c’est l’investissement des entreprises qui prend le relais (+4,3%) pour doper la croissance. C’est une composante essentielle pour avoir une croissance solide et qui plus est en hausse nette de près d’un point. Il est tentant d’y voir un "effet Macron". Mais la réalité est plus nuancée. Certes, Emmanuel Macron a provoqué un choc de confiance du côté des entreprises. Mais les effets des mesures prises depuis son élection ne seront pas perceptibles avant au moins deux ans. Au fond, on observe encore les conséquences des réformes de François Hollande. Mais de toute façon, la confiance des entreprises est liée à la conjoncture internationale : l’investissement augmente dans la plupart des économies développées.

La France est-elle de retour au niveau de ses voisins ?

Clairement, en 2017, nous sommes de nouveau dans le peloton de tête. On peut même dire que la France est le pays le plus dynamique actuellement en Europe. Le Royaume-Uni stagne à cause du Brexit et même si nous sommes toujours derrière l’Allemagne, il faut rappeler que nous sommes passés de 1,1% à 1,9% en un an, contre une augmentation de 1,9% à 2,2% outre-Rhin. La comparaison avec l’Allemagne est toujours risquée mais on peut tout de même noter que la France a rattrapé son retard.

La France bénéficie-t-elle de sa nouvelle "aura" dans la mondialisation ?

Les chiffres commerciaux semblent l’indiquer : hausse des exportations de 3,5% (contre 1,9% en 2016) et des importations (4,3% contre 4,2%). Ce différentiel montre que les produits français trouvent de nouveaux débouchés à l’étranger. Avec l’arrivée d’Emmanuel Macron, on observe une nouvelle sympathie de la part des investisseurs pour la France. Mais il faut rester prudent. Pour l’instant, ce sont surtout des mots et on attend de voir les réalisations concrètes. D’autant que si l’investissement des entreprises françaises augmente, il part de très loin et cela freine encore certains investisseurs. Cette "aura" est donc encore friable.

Peut-on espérer dépasser les 2% en 2018 ?

Ce n’est pas impensable oui. La dynamique politique et économique est très bonne sur le plan domestique. Mais pour atteindre, voire dépasser les 2%, nous sommes tributaires de l’international. Les évolutions de l’euro et du pétrole seront déterminantes. Or, des incertitudes pèsent sur ces deux éléments. De plus, on ne peut pas mettre de côté le léger ralentissement de la croissance en Chine. Si cela se confirme en 2018, ça se ressentira dans la croissance française. Et puis il y a Trump qui menace la dynamique actuelle du commerce international avec sa volonté de renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena).

Il reste un point noir : malgré une croissance de 1,9%, le chômage ne baisse pas. Pourquoi ?

Parce que ce n’est pas automatique. Le chômage évolue toujours en décalage avec la croissance. Il faut compter six mois à un an pour espérer voir le chômage baisser significativement, à condition bien sûr que l’activité économique maintienne le même rythme. Mais il y a des raisons d’être optimiste. D’abord car le nombre de contrats de plus d’un mois a augmenté en fin d’année, c’est un bon début. Ensuite car la réforme de la formation professionnelle arrive. Elle est cruciale car aujourd’hui, les entreprises ne trouvent pas la main d’œuvre qui correspond à leurs besoins.

Reste que depuis 1990, on multiplie les réformes de la formation professionnelle, sans grand effet pour l’instant. Il faudra que cette réforme soit accompagnée par un État protecteur pour aider les travailleurs à faire face aux mutations technologiques. C’est un défi majeur pour résoudre le problème du chômage.