Face à la recrudescence de l'épidémie de Covid-19, les entreprises sont incitées à instaurer un maximum de télétravail. 2:24
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avec le service Economie d'Europe 1 , modifié à
Avec l'hypothèse d'un reconfinement qui se rapproche, les entreprises se préparent déjà à devoir basculer à nouveau vers un télétravail massif. L'expérience du confinement a préparé le terrain, même si la situation a changé en quelques mois : pour les petites entreprises, le télétravail n'est pas toujours une solution privilégiée.
ENQUÊTE

Journée cruciale pour l'exécutif : face à la recrudescence de l'épidémie de Covid-19, il faut prendre des mesures plus fortes que le couvre-feu. Selon les informations d'Europe 1, avant un deuxième Conseil de défense mercredi matin, le gouvernement privilégie la piste d'un reconfinement généralisé. Des exceptions seraient à l'étude à Bercy pour préserver certains secteurs. Mais il y a déjà une certitude : le télétravail va devenir quasiment obligatoire dans les entreprises où l'activité s'y prête. Mais sont-elles prêtes, alors que la reprise économique est encore fragile ? Europe 1 a enquêté.

Une rentrée synonyme de retour au bureau

Si tous les Français, ou presque, ont fait l'expérience du télétravail lors du confinement, la situation a beaucoup évolué depuis le déconfinement. D’après la dernière enquête de la Dares - le département statistiques du ministère du Travail -, la rentrée de septembre a été synonyme de retour sur site : 70% des salariés ont retrouvé leur bureau. Résultat, seulement 12% sont encore en télétravail à temps complet actuellement. Même si, dans les grandes villes où la situation sanitaire est déjà très dégradée depuis plusieurs semaines, le télétravail partiel ou complet concerne jusqu'à 30 à 50% des salariés.

Mais ça ne suffit pas à freiner la propagation du coronavirus. "Quand on est sur un poste où on peut télétravailler, il faut télétravailler", a encore demandé la ministre du Travail Élisabeth Borne mardi. Dans les jours à venir, l'incitation pourrait laisser place à une obligation. Beaucoup d’entreprises vont donc devoir faire machine arrière et renvoyer les salariés chez eux. Mais la situation s'annonce différente de celle du mois de mars.

Les grandes entreprises sont prêtes...

Pour prendre leur pouls en cette période d'incertitude, Europe 1 a contacté des dizaines d'entreprises. Il en ressort un constat très hétérogène. Il y a d'abord les grandes entreprises, qui ne sont pas inquiètes. En mars, elles ont dû déployer en quelques jours le télétravail pour des milliers de salariés. Une expérience qui a servi de crash-test, racontent-elles. Dans les secteurs de l’assurance et de la banque par exemple, tout est prêt. Chez BNP Paribas, 60% des salariés sont encore en télétravail aujourd’hui, au moins à temps partiel. Donc aller plus loin ne représentera pas un effort considérable. 

Certains groupes ont aussi mis en place une cellule dédiée à l’organisation du travail en temps de Covid. Objectif : réagir le plus vite possible après les annonces du gouvernement. C’est le cas chez Orange. "On a mis 60.000 personnes en télétravail au printemps. On le refera sans problème s’il le faut", nous dit-on chez l'opérateur. "Ca va nous compliquer un peu la vie en termes d'organisation. Mais, d'une certaine manière, on a appris le télétravail donc ce sera moins douloureux qu'en mars", résume Benoît Serre, vice-président de l'Association nationale des DRH.

... mais les PME sont moins optimistes

En revanche, les PME font grise mine à l’idée de repasser en télétravail total. Leur activité a été plus durement touchée par la crise économique, alors dès que cela a été possible, elles ont fait revenir leurs employés sur site pour relancer la machine. Et pour beaucoup, la crainte c’est que le télétravail vienne casser la fragile reprise entamée à la rentrée. Malgré tout, à contrecœur ou pas, toutes les entreprises le disent : elles s’adapteront. Ainsi, selon un sondage réalisé pour Europe 1 par le Centre des jeunes dirigeants, plus d'un tiers des entreprises qui le peuvent prévoient déjà de repasser entièrement en télétravail dans les prochains jours.

Sans aller jusque-là, si le télétravail reste modulable et non obligatoire, ce sondage montre que les entreprises anticipent d'autres mesures pour continuer de fonctionner sur site dans le respect des règles sanitaires : des règles plus strictes pour les déjeuners entre collègues (33%), un roulement des équipes dans les bureaux (30%), réaménager les horaires de travail (27%), accélérer la numérisation des outils de travail (24%)…

Inquiétude pour la santé physique et morale des salariés 

Les entreprises vont donc essayer de s’adapter au mieux aux futures contraintes sanitaires. Et cela pose quand même la question de l’impact sur les salariés. Le télétravail a marché en mars mais tout le monde ne l’a pas bien vécu pour autant. Il faudra donc être encore plus vigilant qu'au printemps face aux risques psychosociaux. "Quelles qu'elles soient, ces mesures vont s'imposer à des entreprises et des collaborateurs fatigués", souligne Benoît Serre, de l'ANDRH. "Il y a l'anxiété causée par le virus, celle liée à l'avenir de son entreprise et puis celle, parfois, concernant ses proches. Ce qui nous inquiète le plus, c'est le risque d'épuisement, de burn-out…"

Et là encore, c’est dans les petites entreprises qu’une deuxième séquence de télétravail généralisé risque de laisser des traces. Une étude menée par la CPME cet été l’a montré clairement : pour plus de 80% des patrons de PME, le télétravail limite la cohésion d’équipe et augmente le risque d’isolement. Et, selon les chiffres du ministère du Travail, dans une entreprise sur deux où le télétravail est possible, il est perçu, encore aujourd’hui, comme une difficulté supplémentaire en termes d’organisation. D'où l'appel des syndicats à des négociations internes dans chaque entreprise sur le retour du télétravail.