Le marché européen du cloud va être multiplié par cinq, voire dix, d'ici 2030. 1:40
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La France a dévoilé lundi sa "stratégie nationale pour le cloud", un plan visant à mieux protéger les données stockées en ligne. Face à la toute-puissance de Google, Amazon et Microsoft, le gouvernement veut créer des conditions économiques et juridiques pour que les acteurs européens, avec des normes de sécurité plus élevées, trouvent leur place.
DÉCRYPTAGE

Internet a la tête dans les nuages : depuis plusieurs années, le cloud, ou "informatique en nuage", s'est imposé comme la solution de stockage la plus répandue. Après les disquettes, les clés USB et les disques durs, c'est désormais sur des serveurs aux quatre coins du monde que l'on archive nos photos de vacances ou que l'on prépare la présentation d'une réunion à distance avec ses collègues. Problème : le cloud est dominé par les géants américains Google, Amazon et Microsoft. La France a bien compris que le retard est irrattrapable et mise désormais sur une troisième voie, un "cloud de confiance".

Protéger les données des Français des lois américaines

La stratégie française, dévoilée lundi, a été décrite par Bruno Le Maire comme "un événement du point de vue économique et du point de vue technologique". "Le cloud n'est pas visible. Mais c'est le soubassement de notre économie. C'est ce qui permettra le développement de nos entreprises et la valorisation de nos données", a insisté le ministre de l'Économie. Mais, lucide sur l'avance prise par les géants américains, et échaudé par de récentes tentatives de cloud souverains sans moyens, le gouvernement a choisi d'éviter le combat frontal avec les GAFA.

La stratégie de la France repose sur trois piliers. D'abord, le "cloud de confiance", un label accordé à des entreprises européennes du cloud, ayant des serveurs en France et s'engageant à respecter les normes les plus élevées de protection des données. Aujourd’hui, grâce au "Cloud Act", Google, Amazon ou Microsoft peuvent accéder, sur demande du gouvernement américain, à toutes les données stockées sur leurs serveurs, y compris en dehors des États-Unis. "Nous refusons cette loi extraterritoriale et c'est pourquoi nous allons nous en protéger", a expliqué Bruno Le Maire.

Un label de sécurité délivré par l'Anssi

Concrètement, c'est l'Anssi, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, qui va examiner les candidatures des entreprises correspondant aux critères de sécurité qu'elle aura elle-même fixés. Ce qu'elle fait déjà aujourd'hui avec son label SecNumCloud, auquel elle ajoutera pour l'étiquette "cloud de confiance", les critères de nationalité européenne et de stockage des données en France. "Cette norme garantit une protection maximale, à un niveau parmi les plus élevés au monde", a vanté le ministre de l'Économie.

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Mais un label ne suffisant pas à créer des champions, la France souhaite aussi que les technologies cloud des géants américains, "les meilleures", a reconnu Bruno Le Maire, puissent être utilisées sous licence par les entreprises françaises et européennes. Des partenariats entre concurrents qui existent déjà, par exemple chez OVHcloud, leader français et européen, qui s'est allié à Google. "Ils nous vendent, en quelque sorte, une partie de leur technologie sous forme de logiciel pour qu'on l'intègre à notre cloud pour l'améliorer", précise à Europe 1 Sylvain Rouri, directeur du développement d’OVH.

Des partenariats encadrés avec les Gafa

"Il faut être lucide : les acteurs américains ont pris une avance considérable. Le problème, c'est qu'il ne faut pas que cette avance se fasse au détriment des valeurs européennes de protection des données", souligne Sylvain Rouri. En s'alliant à Google, "on arrive au meilleur des deux mondes", estime-t-il. "Nos clients peuvent profiter de la technologie très avancée de Google pour faire tourner leur entreprise tout en ayant la promesse d'un cloud souverain. L'architecture mise en place est la plus sécurisée possible au niveau européen", ajoute le directeur du développement d’OVH.

En plus de ces partenariats, le deuxième pilier de la stratégie nationale pour le cloud prend la forme d'un soutien à la filière tricolore pour faire émerger des acteurs capables d'assurer la souveraineté nationale en matière de données. Cinq projets ont déjà été identifiés et bénéficieront d'une enveloppe globale de 100 millions d'euros. L'enjeu économique est majeur. Le marché européen du cloud, estimé aujourd’hui à 53 milliards d’euros par le cabinet KPMG, va être multiplié par 5 à 10 d’ici 2030.

Démocratiser le cloud dans le service public

Enfin, la stratégie du gouvernement implique une utilisation du cloud pour le service public. "Il nous faut adapter notre administration au 21e siècle", a déclaré Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. "Le cloud permet de développer de nouveaux services publics numériques de manière plus rapide, plus agile, moins coûteuse et plus itérative", a-t-elle déclaré. Le cloud deviendra ainsi la solution de stockage par défaut pour tous les projets de l'administration, soit via son cloud interne, soit via un fournisseur labellisé "cloud de confiance".

En réaction à cette annonce, le fournisseur français de services cloud Scaleway, filiale de Free/Iliad, a annoncé le déblocage de trois millions d'euros de crédits d'utilisation de ses services au bénéfice des 18.000 agents informatiques de l'État, pour qu'ils puissent se former et s'entraîner à l'utilisation de ressources cloud.