Bâtir un "Airbus des batteries", un défi colossal à relever pour l'Europe

L'Europe veut muscler sa réponse face à l'hégémonie de la Chine dans le secteur des batteries et des voitures électriques.
L'Europe veut muscler sa réponse face à l'hégémonie de la Chine dans le secteur des batteries et des voitures électriques. © GREG BAKER / AFP
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Thibaud Le Meneec
Les ministres de l'Économie français et allemand ont annoncé jeudi le lancement d'un projet européen pour mettre sur pied un géant du secteur des batteries. Et si c'était déjà trop tard ?
ON DÉCRYPTE

L'heure est à l'optimisme pour la batterie made in Union européenne. Jeudi, en annonçant le lancement d'un plan de 5 à 6 milliards d'euros pour soutenir la création d'un géant européen des batteries, les ministres de l'Économie allemand et français se sont tournés vers l'avenir : "C'est une étape majeure dans la longue histoire de notre industrie européenne", s'est réjoui Bruno Le Maire, pour qui le continent "n'est pas condamné à dépendre des importations technologiques". Mais le temps presse, car l'Europe est aujourd'hui à la traîne dans ce secteur et les obstacles que va rencontrer cette nouvelle entité sont immenses. Explications.

Des investissements incertains… et peut-être insuffisants

Le projet d'un "Airbus des batteries" vise à la construction d'une usine pilote d'ici 2020, avec 200 emplois, puis de deux usines de production pour 2023, en France et en Allemagne. Si plusieurs entreprises européennes ont d'ores et déjà fait part de leur intérêt pour le futur consortium, rien n'est encore acté et les constructeurs devront confirmer leur participation, qui veut réunir 4 milliards d'euros d'argent privé (contre "1,2 milliard d'euros au maximum" de subventions publiques). Certains, comme PSA, prendront une décision dès que l'Union européenne se sera engagée sur les aides promises.

Rien ne dit en tout cas que le montant investi sera suffisant pour lutter à armes égales avec les autres puissances : "Pour capter une grande partie de ce marché, nous avons besoin de dix à vingt usines Giga en Europe. L'investissement requis est d'environ 20 milliards d'euros", disait Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne, en février. Jeudi, c'est un montant trois à quatre fois plus faible qui a été annoncé.

La Chine, déjà trop loin ?

En attendant la mise sur pied de ce géant européen, l'Europe reste à la traîne en matière de production de batteries. Selon un rapport de la Commission européenne, seulement 3% des batteries mondiales sont produites sur le Vieux continent, contre 12% pour les États-Unis et surtout 85% pour l'Asie. Et c'est la Chine qui s'est progressivement imposée comme le mastodonte du secteur : environ la moitié des véhicules électriques vendus dans le monde entier le sont dans ce pays, avec une croissance exponentielle chaque année.

Le problème des matières premières

L'Union européenne fait le pari d'un secteur automobile davantage tourné vers l'électrique dans les décennies à venir. Les chiffres lui donnent raison : alors qu'1,1 million de véhicules électriques ont été vendus dans le monde en 2017, Bloomberg prévoit des ventes atteignant 11 millions de véhicules en 2025 et 30 millions en 2030.

Problème : les matières premières nécessaires à la fabrication des batteries li-ion (celles utilisées dans les voitures électriques) sont peu présentes en Europe, mais surtout en Australie, en Asie et surtout en Amérique du Sud, où la Chine investit déjà massivement pour exploiter les réserves de lithium. L'"Airbus des batteries" se heurtera donc au problème de l'approvisionnement et devra considérer des solutions alternatives, comme le recours accru au recyclage de batteries ou le choix des piles à combustion à hydrogène. Se démarquer, donc, pour tenter de peser dans le futur des batteries.