Travail "détaché" : la fin des dérives ?

Le milieu du BTP est particulièrement concerné par les problématiques autour du travail détaché.
Le milieu du BTP est particulièrement concerné par les problématiques autour du travail détaché. © Maxppp
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Damien Brunon , modifié à
Michel Sapin a présenté un plan pour lutter contre les dérives de ce mécanisme européen qui permet d'engager un travailleur étranger.

L’INFO. 300.000 travailleurs détachés en France et des dérives à la pelle ! Entre les travailleurs non-déclarés et le dumping social provoqué par le recours à cette main d’oeuvre étrangère, tous les acteurs du monde du travail sont mobilisés. Pour lutter contre les débordements, Michel Sapin a présenté un plan spécial mercredi en Conseil des ministres pour renforcer l’inspection du Travail.

Le travail détaché. Mis en place en 1996 au sein de l’Union Européenne, le système de travail détaché consiste à pouvoir engager un travailleur étranger dans son pays. On le paye au niveau des rémunérations du pays d’accueil, les cotisations sociales sont, elles, payées dans le pays d’origine.

Des cas symboliques. Scandale à Flamanville : en 2011, on découvre qu’un tiers des travailleurs employés sur le chantier de l’EPR sont étrangers. Par le truchements d’une société basée à Chypre et en Irlande, des Polonais étaient recrutés et sous-payés pour la construction du réacteur nucléaire.

Le cas particulier n’est que la partie émergé de l’iceberg. Selon la CGT, sur les 300.000 contrats de détachement en France en 2012, la moitié n’étaient pas déclarés à l’inspection du travail selon la CGT.

Cela a amené des dérives et notamment des entorses aux règles en vigueur. “On trouve souvent des employés qui sont payés trois ou quatre euros de l’heure alors qu’ils devraient être tous au minimum au SMIC”, détaille Francine Blanche, la responsable des droits des migrants à la CGT.

Le plan du gouvernement. Pour lutter contre ces dérives, le ministre de l’Emploi, Michel Sapin, a proposé un plan en Conseil des ministres. La principale mesure consiste à renforcer les équipes d’inspecteurs du travail afin de chasser les employeurs tricheurs.

A la sortie du Conseil des ministre, Michel Sapin a annoncé que des "opérations de contrôle" de l'Inspection du travail seraient menés prochainement. Le gouvernement  planche également sur un renforcement de la responsabilité des entreprises donneuses d'ordre qui devront mieux contrôler les contrats de travail signés par leurs sous-traitants.

L’emploi en danger. Du côté du patronat, on s’inquiète plutôt de la compétition que se font les entreprises françaises. Certaines sociétés emploient des étrangers alors que les autres n’ont que des travailleurs français, cela créé une distorsion de compétitivité qui pourrait générer “des milliers de pertes d’emplois” selon Didier Ridoret, le directeur de la Fédération Française de Bâtiment (FFB).

Ce secteur est particulièrement touché par la problématique, à tel point que la FFB a lancé une pétition contre une concurrence déloyale en progression et a déjà recueilli 40.000 signatures. et ce que craint Didier Ridoret, c’est aussi de voir disparaître les travailleurs français. “Si on continue dans cette voie, les entreprises auront bientôt un encadrement français et des chefs de chantiers qui viendront uniquement des pays de l’Est et des pays baltes”, déplore-t-il.

Le défi européen. Selon les partenaires sociaux, le renforcement de l’inspection du Travail proposé par Michel Sapin ne suffira pas. Le moyen de changer les choses en profondeur serait de modifier la directive de 1996 qui a mise en place le travail détaché. Le 9 décembre prochain, les ministres de l’Emploi européen devraient se retrouver une ultime fois pour en parler.

Problème : les négociations sur le sujet ont déjà échoué à plusieurs reprises. Les pays de l’Est, les pays baltes et le Royaume-Uni freinent des quatre fer contre une modification du texte. Et sans décision ferme, difficile d’imaginer une réforme alors que les élections européennes se profilent à l’horizon.