Crash de l'A320 : les familles des victimes indemnisées ?

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avec agences , modifié à
ASSURANCE - La compagnie Germanwings est censée indemniser les proches des victimes. A moins que le suicide du copilote ne soit prouvé et complique les choses.

Une fois l’émotion retombée, les proches des victimes du crash de l’A320 de Germanwings vont très probablement demander justice, et pour cause : en cas de crash, la compagnie aérienne est toujours considérée comme responsable et doit verser des indemnités aux familles des victimes. Sauf que le cas du vol Barcelone-Düsseldorf n’est pas tout à fait comme les autres : si la thèse du suicide du pilote est avérée, la compagnie aérienne Lufthansa, maison-mère du low-cost Germanwings, pourrait estimer n’avoir qu’une responsabilité limitée. Et limiter ainsi la facture, même si un tel scénario n’est pas forcément le plus probable.

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En cas de crash aérien, les indemnités sont la règle. Même si les crashs aériens restent rares, les compagnies aériennes ont mis en place une procédure d’indemnisation des victimes : en vertu de la Convention de Montréal du 28 mai 1999, signée par 110 pays, une compagnie aérienne ne peut en principe se soustraire à sa responsabilité pour la mort d'un passager et doit donc indemniser ses proches. Dès que les victimes sont formellement identifiées, la procédure est enclenchée et les compagnies aériennes ont 15 jours pour verser à la famille du disparu une première avance, qui ne peut être inférieure à 18.000 euros précise Le Figaro.

Les compagnies aériennes ont donc accepté le principe d’une indemnisation automatique mais ont limité son montant. Le montant total de cette enveloppe ne peut théoriquement pas dépasser les 145.000 euros environ par victime : si les proches jugent cette indemnisation insuffisante, elles doivent engager une procédure judiciaire.

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Mais les procès sont aussi fréquents. Cette procédure supplémentaire, les familles n’hésitent pas à y recourir, d’autant qu’elles souhaitent savoir qui est responsable de l’accident (erreur humaine, défaut matériel, entretien insuffisant, etc.). Et si elles arrivent à prouver que la compagnie aérienne n’a pas respecté ses obligations et a fait preuve de négligence, cette dernière se retrouve à devoir payer des indemnités supplémentaires qui peuvent se chiffrer en millions. Après le crash d’un de ses avions en juillet 2002, la compagnie russe Bashkirian Airlines a ainsi dû verser trois millions de dollars supplémentaires pour chaque famille.

Dans le cas du crash de l’A320 de Germanwings, plusieurs questions de ce type se posent : la compagnie aérienne a-t-elle suffisamment contrôlé le copilote et sa santé mentale ? A-t-elle mis en place des procédures assez strictes pour éviter un tel drame ?

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Si le suicide est avéré, la compagnie aérienne peut-elle se défausser ? Il est encore trop tôt pour savoir qu’elle sera la ligne de conduite de Germanwings, mais cette dernière pourrait invoquer le fait qu’il ne s’agit pas d’un crash comme les autres : les enquêteurs privilégient la piste d’un suicide du copilote. Or, une compagnie aérienne peut-elle être tenue pour responsable des errements psychologique d’un de ses employés ?

Cette question s’est malheureusement déjà posée une dizaine de fois, et les compagnies aériennes ont plutôt tendance à être considérées comme responsables. L’exemple du crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines au-dessus de l’Ukraine est emblématique : a priori, la compagnie n’est pas responsable du fait que des troupes pro-russes aient probablement tiré un missile sur l’avion. Sauf qu’on peut lui reprocher d’avoir fait voler un avion dans l’espace aérien d’un pays en guerre, alors que toutes les autres compagnies avaient fait le choix de contourner l’est de l’Ukraine. "Il est difficile d'imaginer une situation où la compagnie aérienne serait totalement exonérée de toute responsabilité, je n'ai jamais vu ça", a déclaré l'avocat américain Steve Marks, spécialisé dans les catastrophes aériennes, interrogé par l’AFP. "Même dans le cas de l'affaire Lockerbie (1988), quand un terroriste a fait sauter l'avion, le tribunal a trouvé que la compagnie Pan Am avait été ‘volontairement coupable’ en ne fouillant pas les bagages", rappelle-t-il.

Dans le cas du vol de Germanwings, la question sera donc de savoir si la compagnie aérienne savait que son copilote était un facteur de risque. Et, a priori, ce serait le cas : après avoir été soigné en 2009 dans un établissement psychiatrique pour un "épisode dépressif grave", le copilote  Andreas Lubitz était toujours sous traitement "régulier et particulier", rapporte vendredi le quotidien allemand Bilden citant des documents internes à la Lufthansa. La compagnie aérienne aura donc du mal à affirmer qu’elle l’ignorait mais, de toute façon, elle n’y a pas vraiment intérêt : refuser de verser des indemnités supplémentaires aurait un coût très élevé en termes d’image de marque pour une compagnie aérienne très attachée à sa réputation.

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