Boursicoter sur Internet, une tentation très risquée

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et Carole Ferry , modifié à
EXCLU E1 - L’AMF tire la sonnette d’alarme et veut davantage encadrer ce secteur où les arnaques sont nombreuses.

"Devenez trader en 2 heures", "changez de vie et gagnez de l’argent facilement", "compléter vos revenus sans risque avec le Forex", etc. Ces publicités qui vous promettent de l’argent facile en boursicotant sont devenues incontournables sur Internet. Et le problème, c’est que de nombreuses personnes y croient et y perdent leurs économies. Un nombre assez important pour que l’Autorité des marchés financiers (AMF) s’empare du sujet et tire la sonnette d’alarme. Puisque les sites proposant de jouer au trader sont majoritairement basés à l’étranger, l’AMF a décidé d’agir autrement en demandant d’interdire la publicité pour ces sites.

Un boursicoteur a 89% de chance de perdre sa mise. Si l’AMF s’inquiète, c’est qu’elle a fait ses comptes : en analysant le cas de 15.000 personnes s’étant lancées dans le trading en ligne, elle a constaté qu’il y a beaucoup plus à perdre qu’à gagner. Entre 2009 et 2012, 89% des personnes avaient perdu de l’argent. Un ratio impressionnant mais qu’on retrouve aussi à l’étranger, comme le rappelle l’AMF en citant une étude son homologue polonais qui avance, de son côté, le chiffre de 82% de clients perdants en 2011. 

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Perte moyenne : plus de 10.000 euros en 4 ans. En moyenne, ces boursicoteurs en ligne ont perdu 10.887 euros sur quatre ans, de quoi doucher les espoirs des internautes tentés par l’aventure du Forex (marché des changes) ou du marché des Penny stocks (actions d’entreprises mal cotées et dont la valeur est très faible).

Une déconvenue qu’a justement vécue Jules. "J’ai commencé par placer 1.000 euros et, régulièrement, ils m’appelaient à heure fixe et on commençait à trader. En général on faisait trois ou quatre "trade" par soirée et dans 90% des cas, les 'trades' étaient gagnants. Donc après avoir fait cet investissement, j’ai décidé de placer 10.000 euros. Quand j’ai voulu récupérer mon capital, on m’a dit ‘on va vous restituer le capital mais je vous propose de faire un gros coup pour doubler le montant de ce capital’… J’ai perdu 11.000 euros", témoigne ce cadre en entreprise au micro d’Europe 1.

Et même lorsqu’un internaute a la précaution de limiter son investissement à 500 ou 1.000 euros, il a de fortes chances de perdre beaucoup plus : la plupart des opérateurs en ligne proposent de prêter de l’argent pour miser davantage ou jouer sur les effets de levier.

Le temps n’y change rien. L’étude de l’AMF prouve donc qu’on ne s’improvise pas trader aussi facilement que les publicités le promettent. Mais avec le temps, les boursicoteurs deviennent-ils plus avisés ? Non, répond l’AMF : "l’expérience de trading ne semble pas s’acquérir facilement puisque le résultat moyen augmente significativement au cours du temps". Et le rapport d’avancer des chiffres très parlant basés sur l’étude de 1.881 personnes :

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Conclusion, les boursicoteurs n’améliorent pas leurs résultats d’une année sur l’autre, bien au contraire : les pertes sont plus élevées chaque année. Et le fait d’être très actif n’y change rien : "plus un client réalise de transactions, plus sa perte est élevée; plus la taille moyenne de ses transactions est élevée, plus la perte est importante; plus le client s’expose (taille cumulée de toutes ses transactions), plus sa perte est élevée", note l’AMF.

Encore plus de risques sur les sites illégaux. Ce sombre constat ne concerne pourtant que les sites légaux.  Sur les sites ne respectant pas la législation française, le risque est probablement encore plus élevé.  Quand il ne s’agit tout pas d’une arnaque pure et simple. Outre le cas de personnes n’ayant jamais pu récupérer leur argent, l’AMF cite plusieurs témoignages édifiants, dont celui d’Aimé, 89 ans : "au départ, je suis entré en contact avec M. Marc D., et celui-ci m’a demandé de lui fournir mon numéro de carte bancaire. Mal m’en a pris, une semaine plus tard ma banque m’a informé que mon compte avait été débité de 4.900 euros".

Interdire la publicité, seule solution possible ? Une fois ce constat établi, comment mieux protéger les internautes ? Sur ce point, l’AMF est confronté à un problème : la plupart des sites permettant de boursicoter en ligne sont tout à fait légaux et respectent les règles. Ils ont juste tendance à embellir la réalité et à indiquer en caractères minuscules l’avertissement obligatoire précisant que les investisseurs peuvent perdre leur mise.

Quand aux sites illégaux, ils sont installés à l’étranger, opèrent souvent sur des comptes bancaires basés dans les paradis fiscaux et sont donc difficiles à faire fermer. Et quand cela arrive, ils rouvrent rapidement sous un autre nom. Face à cela, l’AMF prône donc d’agir indirectement, en interdisant la publicité pour ces sites (ci-dessous) afin de tarir le flux de clients potentiels. Les boursicoteurs français seraient actuellement plus de 30.000.

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