"Unspottable" : un jeu vidéo original, fun, français et 100% artisanal

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Bonne surprise de la fin d'année sur PC, "Unspottable" est sorti sur Switch et Xbox One fin janvier. Ce jeu vidéo, qui tord le concept d'"Où est Charlie ?", a été conçu de A à Z par trois français amateurs, sans la moindre aide financière. Avec plus de 10.000 téléchargements, le succès est au rendez-vous et prouve que tout le monde peut créer son propre jeu vidéo avec un peu de créativité.

L'épidémie de Covid-19 ne se calme pas en France, loin de là, et le couvre-feu devrait durer encore quelques temps. Autant dire qu'il reste potentiellement de nombreuses soirées à occuper chez soi, et pourquoi pas en jouant aux jeux vidéo ? Unspottable, récente production française, a le profil parfait, puisqu'il s'agit d'un jeu multijoueur local, à partager avec sa famille ou ses colocataires. Le principe : une sorte de "Où est Charlie ?" déjanté dans lequel tous les personnages, y compris ceux gérés par l'ordinateur, ont la même apparence ; l'objectif étant de démasquer les "vrais" joueurs. Un concept aussi loufoque que les coulisses d'Unspottable, créé par trois amis, sans aucune aide, mais avec pas mal d'inventivité.

Démasquer les autres joueurs parmi les clones

Unspottable ("indétectable" en bon français) appartient à la catégorie des "party-games", ces jeux multijoueur en local (de 2 à 4 joueurs sur une même console ou un même ordinateur, par opposition au jeu en ligne) qui consistent à enchaîner des parties qui durent généralement deux ou trois minutes. Le concept est original : les joueurs sont placés dans un décor rempli de petits bonhommes à l'apparence identique, apparence qui est aussi celle de tous les joueurs. Impossible de distinguer son personnage de celui des autres joueurs ainsi que des clones contrôlés par l'ordinateur. Le premier défi est donc d'identifier son propre bonhomme.

L'objectif est ensuite de démasquer tous les "humains", en donnant un coup de poing à un personnage, sans se faire repérer par les adversaires. Mais hors de question de foncer dans le tas. Les robots, eux, ne frappent personne, donc le moindre coup porté révèle les "vrais" joueurs. Il faut donc se fondre dans la masse en imitant les déplacement des robots, tout en observant les déplacements de tous les personnages pour tenter de repérer les humains. Si le personnage que vous frappez est bien un adversaire, vous marquez un point. Si c’est un robot, le jeu continue.

Un projet d'amis devenu un travail à temps plein

À la fois drôle et compétitif, bien qu'un peu répétitif, Unspottable est le jeu idéal pour des soirées entre amis. Une très bonne surprise au parcours créatif étonnant puisqu'il est l'œuvre de seulement trois personnes : un graphiste, Maxime Granger, et deux développeurs web, Gwé Limpalaer et Yohan Lebret, trois amis âgés de 35 ans. "Ça fait trois ans qu'on a ce projet en tête. Au début, c'était juste un truc qu'on faisait à côté de notre boulot. On ne travaillait pas dans le jeu vidéo, c'était juste une idée qui nous amusait", raconte à Europe 1 Maxime Granger, ami avec Yohan Lebret depuis la maternelle, et avec Gwé Limpalaer depuis la fac.

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© GrosChevaux

Pendant deux ans, les trois copains, qui vivent entre Paris et Londres, tâtonnent sur leur temps libre. "Initialement, on voulait faire un jeu d'aventure, mais on s'est rendu compte que ça demandait énormément de boulot. Comme on adore se marrer en soirée avec des amis, on s'est orienté vers un jeu multijoueur en local", retrace Maxime Granger. Le concept d'Unspottable, lui, est venu complètement par hasard. "Un jour, Yohan et Gwé jouaient à un jeu de combat et d'un coup y a eu un bug avec l'interface, ils avaient le même personnage et ils ne savaient plus qui était qui. Ça leur a donné une idée, on en a discuté et on a décidé que ce serait le principe même de notre jeu."

Unspottable n'a rien à envier aux jeux des studios expérimentés

Estimant que leur jeu a du potentiel, les trois amis quittent leurs emplois pour se consacrer pleinement au développement. Ils se donnent un an pour le sortir, uniquement avec leurs économies. "J'ai été voir le CNC pour me renseigner sur les aides (le Centre national du cinéma octroie des aides pour les créateurs de jeux vidéo indépendants, ndlr). Ça s'est plutôt bien passé, mais le seul problème, c'est que deux d'entre nous sont à Londres et qu'on ne voulait pas embaucher plus de gens en France. Donc ça a bloqué d'éventuelles aides", explique Maxime Granger. "Finalement, on a préféré rester tous les trois et on a créé une société basée à Londres."

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© GrosChevaux

Ainsi est né le studio GrosChevaux, petite structure tenue uniquement par les trois créateurs ("on a juste payé des gens pour faire la musique"). Ensemble, ils apportent la preuve que le jeu vidéo est d'abord une histoire de créativité, et non de gros sous. Unspottable est joli, fluide et se démarque par l'absence de bugs. C'est aussi un jeu riche, avec 12 niveaux, chacun avec une mécanique différente. Dans l’enclos à vaches, par exemple, un robot s’effondre toutes les cinq secondes, ce qui rend les vrais joueurs plus visibles. Dans d'autres décors, il y a des objectifs annexes à atteindre. C'est malin et digne de jeux produits par des studios plus expérimentés.

Un succès inattendu et un deuxième jeu en préparation

Sorti en octobre sur PC et Mac et fin janvier sur Nintendo Switch et Xbox One (9,90 euros), Unspottable cumule déjà plus de 10.000 téléchargements. Un succès en forme de récompense pour ce pari risqué. "On ne s'est pas versé de salaire pendant un an et maintenant on commence à récupérer les bénéfices des ventes. On n'est pas loin de se verser un premier salaire", se réjouit Maxime Granger. Avec ses comparses, ils sont allés au bout de leur projet en auto-éditant leur bébé, quitte à tourner le dos à des contrats financièrement attirants. "Des petits éditeurs nous ont contactés mais on avait peur de ne plus être propriétaires de notre propre jeu donc on a refusé", explique le concepteur du jeu.

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© GrosChevaux

Unspottable est donc sorti avec succès, mais l'aventure n'est pas finie pour autant. "On va d'abord le peaufiner, et terminer la version PS4 sur laquelle on travaille en ce moment. On va aussi développer le jeu en ligne", promet Maxime Granger. Et la suite ? Le studio GrosChevaux va continuer d'exister. "Quand on a fini le jeu, on s'est dit direct qu'on allait en faire un autre !", s'exclame le graphiste. Pour financer leur prochain projet, les trois fondateurs vont reprendre un job pour mettre de l'argent de côté.