"House of X/Powers of X" est une mini-série publiée en France depuis 2020 par Panini Comics. 4:58
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Figurant depuis longtemps parmi les super-héros les plus populaires, les X-Men ont récemment pâti d'adaptations au cinéma loin d'être à la hauteur du potentiel des mutants. Dans le comics House of X, le scénariste Jonathan Hickman a été chargé de leur redonner de l'allant. Le résultat est une histoire virtuose et éminemment politique.

En septembre 1963, Stan Lee et Jack Kirby, le duo le plus prolifique de l'histoire des comics, créait un nouveau groupe de super-héros : les X-Men. Cette fois, leurs pouvoirs ne venaient pas d'une ascendance extraterrestre, d'un accident nucléaire ou d'une armure high-tech : les dons des mutants étaient inscrits dans leurs gênes. Une innovation scénaristique et politique incarnée par le Professeur Xavier, Magnéto, Wolverine, Cyclope, Tornade et tant d'autres. Après six décennies de bons et loyaux services, Marvel a décidé de relancer les X-Men, quelque peu usés par le temps, avec House of X, une série de comics révolutionnaire.

Des débuts révolutionnaires à l'essoreuse hollywoodienne

La force des X-Men a longtemps été le sous-texte politique de la série. Les mutants sont l'incarnation de toutes les minorités. Ce sont des humains différents, craints et souvent maltraités voire traqués. La trame principale tournait donc autour du concept d'intégration : d’un côté le Professeur Xavier, présenté comme le héros, qui plaide pour la collaboration avec les humains ; de l’autre Magnéto, son ancien ami devenu ennemi, qui méprise les humains et veut les dominer. Une métaphore que chaque lecteur s'est approprié à sa façon.

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"J'adore les X-Men parce qu'on m'a expliqué que c'était une transposition de la vision de Martin Luther King, représenté par le Professeur Xavier, et Malcolm X, représenté par Magnéto", raconte ainsi à Europe 1 la chanteuse Imany. Pendant plus de 50 ans, cette histoire d’intégration a nourri les comics mais aussi les films. Depuis l'an 2000, les mutants ont inspiré 13 longs métrages plus ou moins réussis. Sauf qu'à force d'essorer les X-Men, Hollywood a fini par noyer le sous-texte politique sous les effets spéciaux et l'action XXL.

"Humains, pendant que vous dormiez, le monde a changé"

Pour relancer les mutants, Marvel a donc confié les rênes des X-Men à un homme : Jonathan Hickman, scénariste reconnu dans le monde des comics. Et ce dernier a tout fait sauter. Exit la vieille lutte sur le modèle d’intégration. Dans House of X, une mini-série en quatre chapitres publiée en France à l'été 2020, Xavier et Magnéto s’unissent avec un parti pris radical : ils créent une Nation mutante sur Krakoa, une île du Pacifique. Forcément, cela ne plaît pas aux autres pays et les tractations diplomatiques sont au cœur de l'histoire. 

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House of X marque clairement l’échec de l'intégration des mutants qui sont tous invités à venir vivre sur Krakoa et donc à s'isoler du reste du monde. Même le Professeur X finit par l’admettre : malgré tous ses efforts, les humains continuent de se méfier d'eux. C'est pourquoi il rallie sous sa bannière tous les mutants, y compris ses ennemis historiques comme Magnéto et Apocalypse. Tous ont un même objectif : assurer la survie de la race mutante. "Humains de la planète Terre. Pendant que vous dormiez, le monde a changé", avertit ainsi Xavier dans un message envoyé au monde entier.

Des comics qui font réfléchir

Évidemment, House of X parle des mutants. Mais, à nouveau, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec notre époque. À l’heure du mouvement Black Lives Matter, des luttes féministes ou pour les droits des LGBT, la radicalité et le pessimisme du propos assumés par Jonathan Hickman interrogent forcément. Le vivre-ensemble est-il une illusion ? Peut-on réellement convaincre ses adversaires politiques ? Le progrès technologique est-il forcément un progrès ? C’est le genre de question que l'on se pose en lisant House of X, une lecture qui ne laisse pas de marbre, loin de là.

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Et les réflexions ne s'arrêtent pas là puisqu'en réalité, House of X est publiée en duo avec Powers of X, autre série également scénarisée par Jonathan Hickman. Dans celle-ci, il joue sur de multiples temporalités : l'an 0, début des X-Men ; l'an 10, qui correspond aux événements de House of X ; l'an 100, temps d'une guerre qui décime les mutants ; et l'an 1000, un futur dominé par les robots. Les chapitres des deux séries s'entremêlent dans chacun des quatre tomes. Le format est osé, complexe et exigeant au premier abord mais cela vaut le coup de s'y plonger pour la virtuosité de l'écriture.

Penser les comics comme des séries

De fait, au-delà du fond, la forme de House of X/Powers of X est aussi révolutionnaire. Jonathan Hickman a ici un rôle équivalent à celui d'un showrunner de série. Il a scénarisé les deux comics fondateurs de ce renouveau mais il a surtout apporté une vision de long terme. En effet, derrière, il y a Dawn of X, suite de House of X rassemblant six séries, chacune centrée sur un groupe de mutants (publication en cours, six tomes parus en France). Hickman n’en a écrit qu’une mais il supervise tout.

"Le storytelling moderne doit prendre la forme d'une série. Il faut raconter des histoires qui amènent quelque part, penser sur le long-terme. En faisant ça, vous attisez la curiosité du lecteur, vous lui donnez envie de s'investir dans l'histoire et les personnages", avait expliqué Jonathan Hickman lors du Comic Con de San Diego en 2019. Et cette vision de long terme se sent dans House of X, il y a énormément d’arcs narratifs lancés dans un chapitre et qui reviennent bien plus tard. Sans aucun doute, ces trois séries passionnantes font basculer les X-Men dans une nouvelle ère.