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Olivier Coipel fait partie des très rares Français à avoir eu la chance de dessiner les super-héros les plus connus dans les comics. Europe 1 l'a rencontré pour parler de sa carrière.
INTERVIEW

Qui dit super-héros, comics, dit forcément États-Unis. Les Batman, Superman, Spider-Man et consorts sont nés là-bas et, petit à petit, ils sont devenus indissociables de la culture américaine. C’est plus que jamais le cas de nos jours avec tous les films de super-héros qui sortent chaque année. Pourtant, il y a quelques auteurs et dessinateurs étrangers qui sont parvenus à se faire une place dans le monde des super-héros. Et notamment… un Français ! Il s’appelle Olivier Coipel, et Europe 1 a pu le rencontrer lors de son passage au Comic Con Paris.

Des débuts chez Spielberg

Il vient de fêter ses 50 ans mais en fait facilement 20 de moins, comme si les deux décennies qu'Olivier Coipel a passé à dessiner des comics aux États-Unis l'avaient fait entrer dans une faille temporelle. Une faille dans laquelle les dessinateurs non anglo-saxons sont rares. Quant aux Français, ils se comptent sur les doigts d'une main. Olivier Coipel, lui, est bien installé chez Marvel, où il a œuvré, depuis le milieu des années 2000, sur un paquet de séries cultes : les X-Men, Spider-Man ou encore les Avengers, le plus célèbre des groupes de super-héros avec Hulk, Captain America, Iron Man… La crème de la crème des super-héros.

Tout n'a pas été simple pour en arriver là. "J'ai fait un bac B (sciences sociales et économiques, ndlr) mais ça n'avait rien à voir avec ce que je voulais faire, moi je dessinais tout le temps !", raconte-t-il à Europe 1. En sortant du lycée, le jeune Olivier Coipel ne sait pas trop quoi faire. C'est là qu'il entend parler de l'école des Gobelins. Il passe le concours et entre dans la section "animation". Une première belle porte s'ouvre alors pour lui : "Amblimation, la société de production de films d'animation de Steven Spielberg, est venue recruter quelques élèves. J'ai fait partie du lot et je suis allé travailler pour eux un an à Londres".

Travailler pour Spielberg, il y a pire comme premier job. Quand Amblimation ferme, remplacé par un nouveau studio, Dreamworks, Olivier Coipel se voit proposer de suivre les équipes à Los Angeles. "Forcément, j'ai dit oui ! Donc, j'ai travaillé sur deux films : Le Prince d'Égypte et La Route d'Eldorado", se souvient-il. Mais Olivier Coipel ne se destine pas à l'animation. Il a essayé, ça ne le botte pas plus que ça. "Mon amour pour le dessin, il est lié aux comics et la bande dessinée, pas à l'animation", explique-t-il.

Marvel est venu le chercher… deux fois

À Los Angeles, Olivier Coipel entend alors parler du Comic Con, le plus grand rassemblement de fans de super-héros, qui se tient à San Diego. "J'y suis allé plusieurs fois et j'ai vu que des professionnels regardaient les portfolios de jeunes artistes. J'ai préparé un dossier, je l'ai présenté et deux semaines après j'avais du boulot chez DC Comics", relate-t-il. La maison-mère de Batman et Superman lui propose de dessiner une série mineure, La Légion des Super-Héros. Hormis Superman qui y fait quelques apparitions, il s'agit d'un groupe composé plutôt de seconds couteaux du catalogue DC. "Je ne les connaissais pas donc je n'avais aucune pression, c'était idéal pour commencer."

Olivier Coipel aurait pu faire sa carrière chez DC Comics mais Marvel en a dessiné autrement. La Maison des Idées, saint des saints des super-héros, a repéré le travail du Français. Marvel, c'est le but ultime d'Olivier Coipel. Et pourtant, il va refuser l'offre. "C'était un rêve de bosser pour Marvel ! Mais j'étais bien sur ma petite série, j'étais tranquille, ça se passait hyper bien. Et j'avais peur je pense. Peur que le rythme de production chez Marvel soit trop soutenu pour moi", se remémore-t-il. Mais Marvel revient à la charge et la deuxième est la bonne : Olivier Coipel rejoint l'éditeur phare des comics, celui qui a bercé son enfance avec ses histoires.

Olivier Coipel a travaillé à plusieurs reprises sur les Avengers.

À raison de 4-5 pages dessinées par semaine, Olivier Coipel planche sur différentes séries, plus quelques couvertures ici et là. Et pas des moindres : Avengers et X-Men, entre autres ! Sauf qu'il n’est qu’un dessinateur parmi d’autres sur ces séries très demandée par les artistes. Mais Marvel mise sur lui et lui fait signer un contrat d'exclusivité en 2005.

Comment il a réinventé Thor

La consécration arrive deux ans plus tard, quand Marvel lui confie le dessin de la nouvelle série Thor, scénarisée par Joseph Michael Straczynski. L'enjeu est de taille : il s'agit de relancer un personnage désuet. "À l'époque, Thor n'existait plus, la série hebdomadaire s'était arrêtée plusieurs années auparavant. Joe Quesada, le directeur éditorial de l'époque, m'a demandé si ça m'intéressait. J'ai répondu : pourquoi pas. Quand il m'a dit que j'aurai carte blanche pour redesigner le personnage et son univers, là j'ai dit oui direct", raconte-t-il. "Je voulais retourner aux origines de Thor et de le moderniser en même temps."

Thor

Inspiré par la mythologie nordique et l'heroic fantasy, période Seigneur des Anneaux, Olivier Coipel va totalement moderniser Thor, de la tignasse blonde au marteau en passant par l’armure. Et sa version a tellement plu à Marvel, que quand un film Thor a été mis en chantier, c’est le look que lui avait donné Olivier Coipel qui a été retenu. "C'était une surprise ! Ça veut dire que mon Thor a eu un impact fort auprès des lecteurs", se réjouit-il encore aujourd'hui. Par la suite, il fournira même des visuels pour le deuxième film Thor : Le monde des ténèbres, sorti en 2013.

Une reconnaissance de son travail et de son style. Mais au fait, c'est quoi le "style Coipel" ? "Je ne sais pas !", répond l'intéressé en riant. "Ce que je sais, c'est que les gens me disent que ça se voit que je ne suis pas américain, qu'il y a un style européen dans mes dessins. J'imagine que j'apporte avec moi une culture différente, moi j'ai grandi avec les comics mais aussi avec Astérix, des mangas…" De fait, il y a quand même un "style Coipel" : des dessins très dynamiques, avec des personnages élancés, aux traits fins. Une attention portée aux détails, aussi, qui donne dès la première case une personnalité forte à ses héros.

De la cape des super-héros à la cape des magiciens

Une "french touch" que l'on retrouve dans son dernier comics en date : The Magic Order (chez Panini Comics). Olivier Coipel a dessiné un scénario de Mark Millar, un très grand nom de la BD. C’est à lui que l'on doit notamment Kingsman, Kick-Ass, ou encore Civil War, trois œuvres adaptées au cinéma avec succès. The Magic Order ne parle pas de super-héros mais de magiciens. "C’est Les Soprano qui rencontre Harry Potter", selon les mots de Mark Millar. L'histoire, en un seul volume de l'affrontement entre d’un côté des sorciers qui veulent prendre le contrôle du monde des humains et de l’autre, un ordre secret qui le protège dans l’ombre.

The Magic Order

C’est une BD assez sombre mais indéniablement accrocheuse, avec un suspense qui ne se dément pas jusqu'au bout. Les personnages sont forts, l’histoire originale. Et puis il y a les dessins d’Olivier Coipel, fantastiques et très cinématographiques. Pas un hasard : The Magic Order est le tout premier comics édité par Netflix. Le géant du streaming a décidé de se lancer dans ce secteur avec un but très clair : produire des histoires adaptables facilement en série derrière.

"C'est différent de collaborer avec Netlix. DC et Marvel sont habitués à travailler avec des artistes, ils savent s'adapter à leur rythme. Netflix a des timings plus serrés, il y a plus de pression. Il y a un planning et il ne bouge pas, on ne déplace pas les dates de rendu", compare Olivier Coipel. À 50 ans, le dessinateur français aura donc tout vu et tout fait dans le monde des comics. Pas étonnant qu'il ait envie de souffler un peu maintenant. "J'ai plusieurs projets en discussion, super-héros et autres. Mais là je vais me contenter de faire quelques couvertures et me reposer un peu." Le masque et la cape sont au placard, mais pas pour longtemps.