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Chaque week-end sur Europe 1, dans "La voix est livre" de Nicolas Carreau, deux libraires partagent leurs coups de cœur.

Dans "La voix est livre" de Nicolas Carreau, deux libraires livrent leurs coups de cœur littéraires chaque week-end. Cette semaine Anna Schulmann, de la librairie "L'écriture" à Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine et Jérémie Banel de la librairie "Lamartine" à Paris, présentent deux romans, entre récit de reconstruction et roman d'amour et d'espionnage. 

"L'écart" d'Amy Liptrot, chez Pocket

"Le livre est un récit d'une reconstruction, d'un renouveau. Camille a 30 ans et elle vit à Londres. Elle a quitté dix ans auparavant l'endroit où elle est née, l'archipel des Orcades. 67 îles dont seize habitées, au nord de l'Ecosse, entre l'Islande et la Norvège, sur la même latitude que Saint-Pétersbourg. Ses parents avaient une ferme où ils élevaient des bêtes. D'où le nom du livre, L'écart : le nom du plus grand parcage où les bêtes sont mises en pâturage, le plus isolé de l'exploitation familiale aussi.

Quand on est jeune on peut se sentir enfermée, bloquée malgré l'horizon infini. Les îles sont très petites, il n'y a pas beaucoup de perspectives d'avenir. Alors à 20 ans, Camille part faire ses études à Londres et commence 'sa vraie vie'. Elle déchante rapidement, ne trouve pas de travail et tourne en rond. Elle sort beaucoup, et à la suite d'une rupture difficile, sombre dans l'alcoolisme. Elle décide de se soigner et pour compléter sa désintox, revient sur son île.

C'est un roman de 'nature writting' (mêlant observation de la nature et considération autobiographique ndlr). On suit le quotidien de Camille qui travaille à la Société royale de protection des oiseaux. Elle parcourt l'île la nuit pour entendre le cri des râles des genêts, un oiseau en voie de disparition. L'héroïne du roman observe les nuages, participe à des séances de natation avec d'autres. Le livre est un récit de retour et de reconstruction, avec celui de la chute en parallèle. C'est magnifique, profondément honnête et lumineux. On évoque aussi le lieu, qui en fonction de l'âge, peut nous enfermer ou élargir notre horizon." (Anna Schulmann) 

"Berta isla", de Javier Marias, chez Gallimard

"C'est un véritable choc de style et d’écriture. Il est vraiment rare de trouver des choses aussi bien écrites. L'exploration de la mentalité et de la psyché des personnages est vraiment saisissante. Il y a dans le roman des phrases qui sont magnifiques, profondes et qui restent. C'est un peu cliché de dire ça, mais c'est typiquement le genre de livre qu'on a envie de relire quasiment après l'avoir terminé. Selon les lecteurs, on peut dire que c'est une histoire d'amour sur fond d'espionnage ou une histoire d'espionnage sur fond d'histoire d'amour. Chacun jugera à la lecture.

Le roman retrace l'histoire d'un couple : elle est espagnoles, Berta Isla, et raconte son histoire. Son mari, Tomás Nevinson, hispano-britannique, a la particularité d'être agent secret. Ils passent un pacte tous les deux : il ne peut rien lui dire, ce n'est pas la peine qu'elle lui pose des questions, il peut partir à tout moment et ne pas savoir quand il reviendra. 

Plus largement le roman pose une réflexion sur notre siècle : l'histoire se poursuivant des années cinquante jusqu'à aujourd'hui. On aborde les thèmes du couple, de l'absence, du temps qui passe et des jours perdus. On vit surtout ses tourments, lorsqu'elle s'inquiète, qu'elle imagine mille hypothèses à chaque événement de l'actualité." (Jérémie Banel)