Jean-Pierre Darroussin dans la pièce "Art" : "J'avais un petit don pour la peinture"

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A.H.
Dans la pièce culte "Art" de Yasmina Reza, le comédien Jean-Pierre Darroussin plonge dans un univers qu'il connaît bien, puisqu'il a lui-même bien failli devenir peintre.
INTERVIEW

C'est l'histoire d'un tableau entièrement blanc… qui va faire imploser une amitié de 30 ans. La pièce de théâtre Art, écrite par Yasmina Reza, triomphe en France et dans le monde depuis 24 ans. Après Pierre Arditi, André Dussollier, Fabrice Luchini ou encore Jean-Louis Trintignant, c'est au tour du trio formé par Charles Berling, Alain Fromager et Jean-Pierre Darroussin de l'incarner sur les planches, au théâtre Antoine à Paris, jusqu'au 17 juin.

Une carrière dans les Arts avortée. Au-delà du prestige de jouer cette pièce culte, traduite en 35 langues, sa thématique a particulièrement plu à Jean-Pierre Darroussin, lui-même grand amateur d'art. Dans Il n'y a pas qu'une vie dans la vie, samedi sur Europe 1, le comédien a confié avoir bien failli intégrer les Beaux-Arts, avant de préférer le cours Florent et le Conservatoire. "J’avais un petit don pour la peinture. Je dessinais beaucoup quand j’étais enfant, et mon grand-père était portraitiste. Il avait trouvé que j’avais un don, m’avait acheté du matériel. Mes dessins étaient exposés dans les couloirs du lycée, mes professeurs me disaient qu’il fallait que je me dirige vers les écoles d’art", a-t-il raconté. "Mais je ne regrette pas de ne pas l’avoir fait, et de m’être plutôt dirigé vers le théâtre et la comédie, parce que je n’ai pas du tout ce caractère obsessionnel, je n’ai pas de persévérance", juge-t-il aujourd'hui.

L'expérimentation du monochrome. Dans Art, Jean-Pierre Darroussin joue le médiateur entre ses deux amis, qui se déchirent autour du sens d'acquérir un tableau blanc. Mais à l'écouter sur Europe 1, le comédien pourrait aisément incarner le rôle de l'avocat de celui qui achète cette toile. Lui-même assure pouvoir sans problème accrocher ce type d'oeuvre aux murs de sa maison. "Si je mets une toile chez moi, c’est parce qu’elle me parle. Elle vient me relier à une pensée qui a travaillé en moi, sur laquelle j’ai lu des livres. Et paf, tout à coup, par la grâce d’un artiste, sur un tableau, je trouve quelque chose qui correspond à un moment de ma vie", s'enthousiasme l'acteur.

Il est nécessaire dans la vie de faire des expériences révolutionnaires, que ce soit en art, en politique, en amour…

"Il faut se tromper". Pour Jean-Pierre Darroussin, ces monochromes, souvent critiqués par les non-initiés, sont avant tout des "expérimentations". "Dans l’art, il y a des choses exagérées, des choses indéfendables, et d’autres dont on comprend bien qu’elles sont de l’ordre de l’expérimentation. On ne change rien si on ne cherche pas à changer quelque chose. Il faut bien faire des expériences, il faut se tromper. Il est nécessaire dans la vie de faire des expériences révolutionnaires, que ce soit en art, en politique, en amour… Le bonheur pour moi est dans la lutte, pour chercher, pour trouver, pour comprendre quelque chose qu’on n’a pas encore compris", analyse l'amateur d'art.

"On est chacun des arbres". Mais plus qu'une pièce sur la notion complexe d'art, l'œuvre de Yasmina Reza est, selon Jean-Pierre-Darroussin, "une pièce sur le vieillissement". Sur les planches, il confie "voir notre jeunesse s’éloigner", et "comment les gens se séparent tout en gardant un attachement très profond, alors qu’ils ne se comprennent plus". En 30 ans de relation, ces trois amis "ont grandi de façon différente". "Mais c’est normal, on est chacun des arbres. Même si on pousse dans la même proximité, sur le même terreau, avec les mêmes aspirations et les mêmes envies de ciel, il y a un moment donné où les trajectoires s’éloignent", estime Jean-Pierre Darroussin. Et d'ajouter : "parfois, les micro-failles qui existaient entre les amis peuvent devenir des gouffres." 

La tentation d'un retour derrière la caméra

En 2005, Jean-Pierre Darroussin était couronné de succès après son premier long-métrage, Le Pressentiment. Mais 13 ans plus tard, le comédien-réalisateur n'a pas récidivé. Pourtant, il aurait la matière, assure-t-il. "Je suis effectivement tenté, j’ai écrit un scénario que j’aime bien. Il a une forme un peu absurde, et une situation un peu absurde. Mais je sens bien que trouver un financement est compliqué. Ça ne fait rire que moi", constate-t-il, mi-déçu mi-amusé.