Ghost of Tsushima : que vaut le jeu vidéo de samouraïs de la PS4 ?

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Seul "gros" jeu vidéo de l’été, "Ghost of Tsushima" (sur PS4) se pare de tous les atours du blockbuster estival : action généreuse, gameplay accessible et évasion garantie. Très plaisante manette en main, cette histoire de samouraïs manque toutefois un peu de fond pour égaler les meilleurs jeux d'aventure.

Propice au farniente dans le jardin et aux activités d'extérieur, l'été n'est pas vraiment une période bénie pour les amateurs de jeux vidéo. Cette année, une seule grosse sortie est au programme : Ghost of Tsushima, une exclusivité PS4 développée par Sucker Punch, studio qui n'avait plus donné de nouvelles depuis l'excellent triptyque de jeux inFamous (2009-2014). Les premières images de cette plongée dans le Japon médiéval avaient aiguisé notre curiosité. Alors le jeu tient-il ses promesses ? Nous l'avons testé en longueur avant sa sortie le 17 juillet.

Un samouraï contre les Mongols

Ghost of Tsushima nous propose de vivre l’histoire de Jin Sakai, samouraï qui lutte contre l’invasion mongole sur la petite île de Tsushima, avant-poste japonais, au 13ème siècle de notre ère. Tombé au combat lors de la grande bataille inaugurale, le héros est sauvé in extremis par Yuna, une voleuse. Ensemble, ils vont tenter d’inverser le destin et de reprendre l’île aux forces de Khotūn Khān (frère imaginaire de Kūbilaï Khān, le petit-fils de Gengis, qui a réellement mené cette expédition, prenant Tsushima mais échouant à conquérir le Japon).

Pour dérouler cette histoire, Ghost of Tsushima opte pour une aventure en monde ouvert. Autour du fil rouge de l’histoire principale, il s’agit donc de découvrir l’île à son rythme, à la recherche de missions ou de points d’intérêts. Il est donc possible de foncer en ligne droite relativement vite, d’autant que le jeu est assez facile, même en mode "difficile" (Jin est vraiment très fort). Mais l’intérêt du jeu réside plutôt dans l’exploration, tant l’univers fourmille de quêtes secondaires inspirées.

Héros fade mais monde très riche

Si vous arpentez l'île de fond en comble, Ghost of Tsushima vous occupera bien une quarantaine, voire une cinquantaine d'heures. Le scénario du jeu est divisé en "récits" d'importances diverses, celui de Jin constituant la trame principale. Malheureusement, il est un peu plat, notamment car le héros n'est pas très attachant. Monolithique, ce samouraï pur et dur ne se laisse guère aller à l’émotion. Résultat, on traverse l’histoire principale sans qu’un moment nous marque plus qu’un autre.

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En revanche, les récits annexes se révèlent aussi variés que prenants. Ceux qui consistent à aider vos alliés (un vieux maître archer, une noble guerrière et un moine combattant) dans leurs quêtes personnelles, sont fort bien construits. En parallèle, les points d'intérêts de Tsushima offrent des respirations dans la progression. Qu'il s'agisse de suivre un renard jusqu'à un sanctuaire à honorer, d'écrire un haïku en haut d'une falaise ou de prendre un bain dans les sources chaudes pour augmenter votre santé, la notion de "zen", inhérente au code des samouraïs, est ici très justement intégrée.

Maîtriserez-vous le bushido ?

Autre point fort de Ghost of Tsushima : les combats extrêmement satisfaisants. Katana en main, Jin Sakai est un esthète de la mort. Il est possible de défier en duel un groupe de soldats, moment tendu où le timing est primordial, ou encore, en mêlée, d'alterner entre quatre postures en fonction des opposants (épéistes, brutes, lanciers ou soldats avec boucliers). Par ailleurs, au fur et à mesure, on débloque des enchaînements mortels jouissifs (et sanglants). Ce qui n'empêche pas de rester vigilant car les Mongols, les samouraïs renégats et les bandits sont de coriaces adversaires.

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Le jeu propose aussi un volet "infiltration". Seul face aux armées mongoles, Jin va apprendre la "voie du Fantôme", ensemble de techniques furtives qui rappellent celles des ninjas (et aussi beaucoup la série des Assassin's Creed) : kunaï, fumigènes, bombes explosives, assassinats discrets… On est loin de l'honneur propre aux samouraïs et cela va d'ailleurs troubler l'esprit du héros. Libre à vous d'utiliser ces méthodes plus "lâches" mais on regrette juste que ce dilemme ne soit pas plus mis en exergue par des choix pouvant affecter le scénario.

Une estampe colorée mais parfois brouillonne

Dernier "grand" jeu en monde ouvert de la PS4, Ghost of Tsushima se devait au moins d’être visuellement impressionnant. Défi à moitié relevé par Sucker Punch. Les paysages, faits de forêts au feuillage d’or, de plaines recouvertes de fleurs et de temples à flanc de montagne, sont absolument splendides. Les créateurs ont opté pour un monde aux couleurs très contrastées : le gris du ciel et le vert triste des arbres tranche avec le bleu ou le rouge vif des fleurs. Le tout magnifié par des lumières que l’on croirait naturelles tellement elles sont belles.

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Si arpenter Tsushima est donc un vrai plaisir, c'est un peu moins le cas des cinématiques. Les limites techniques se voient très vite pour les personnages, pas tous réussis, sur certains éléments naturels (l'eau notamment, qu'on croirait sortie d'un jeu des années 2000) et lors des scènes de dialogues, filmées de loin comme si le studio cherchait à cacher ses lacunes. Une astuce qui devient vite agaçante tant elle va à l'encontre du sentiment d’immersion que procure l'atmosphère particulière de l'œuvre. 

Comment dit-on "ouisitiiiii" en japonais ?

C’est un détail mais Ghost of Tsushima possède le "mode photo" le plus élaboré jamais vu dans un jeu vidéo. À n’importe quel instant, que ce soit en plein duel ou à cheval, en appuyant sur la croix directionnelle gauche, le jeu se met en pause. Il est alors possible de régler une vingtaine de paramètres pour prendre une "photo" : luminosité, distance focale, météo, vitesse du vent (avec ou sans feuilles qui volent), divers filtres de couleur, ajout de bandes-noires comme au cinéma, émotion sur le visage de Jin, etc. Un mode riche à s’y perdre mais le résultat en vaut la peine !

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Hommage au cinéma de Kurosawa

Très romancé, le jeu puise son inspiration dans le cinéma d’Akira Kurosawa, grand maître japonais des films de sabre (Les 7 Samouraïs, Kagemusha…). En plus des différents récits, qui sont en effet autant de petits "films à jouer", les créateurs ont rendu un bel hommage au cinéaste en incluant un "mode Akira Kurosawa" : s’il est activé, le jeu se joue en noir et blanc, avec dialogues en japonais et traces sur l’écran comme s’il s’agissait d’un vieux film sur pellicule. Un clin d’oeil cinéphile loin d’être gadget tant cela change l’expérience de jeu. Déroutant mais bien pensé !

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La personnalisation est finalement la clé de Ghost of Tsushima. Selon l’approche que vous choisirez, il peut n’être qu’un banal jeu d’action de plus, plutôt satisfaisant mais bouclé sans s’attarder. Il ne tient qu’à vous d’en faire une expérience plus personnelle, plus approfondie, de transformer le jeu en véritable récit au long cours. Notre conseil : mettez les dialogues en japonais, respectez au maximum le bushido (le code moral des samouraïs) et n'éludez pas les moments "zen". Ainsi façonné, le jeu se savoure comme un bon roman.