César Corinne Masiero 1:45
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Matthieu Charrier, édité par Manon Bernard
Le cinéma français était à l'honneur vendredi soir sur la scène de l'Olympia, lors de la 46ème édition des César présentée par Marina Foïs. Une cérémonie à la fois artistique et politique. Les acteurs et réalisateurs qui sont montés sur scène ont presque tous appelé l'exécutif à rouvrir les salles de cinéma et autres lieux culturels. 

La 46ème cérémonie des César s'est tenue vendredi soir à l'Olympia, en pleine crise du coronavirus, après plus de quatre mois de fermeture des salles. Les artistes qui se sont succédés sur scène s'en sont pris frontalement à la ministre de la Culture Roselyne Bachelot. La soirée s'est alors transformée en un véritable combat politique pour la réouverture des lieux culturels. 

Corinne Masiero nue sur scène 

L'image de cette 46ème cérémonie des César restera sans nul doute celle de Corinne Masiero, nue sur la scène de l'Olympia pour défendre les intermittents du spectacle. Venue remettre le prix du meilleur costume, la célèbre capitaine Marleau est arrivée déguisée en âne, avant de lâcher à Marina Foïs, la maîtresse de cérémonie : "Alors j'ai un autre costume, si celui-là ne te plaît pas."

Faisant tomber son déguisement, l'actrice s'est retrouvée en robe rouge ensanglantée avant de présenter sa dernière tenue : elle, complètement nue, des tampons hygiéniques usagés en boucles d'oreilles et l'inscription "No culture, no future" sur le corps. "Maintenant on est comme ça, tout nu et sous l'eau", a-t-elle ajouté en regagnant le pupitre. 

Le plaidoyer de Marina Foïs

Marina Foïs, de son côté, a aussi haussé le ton dès son discours d'ouverture. Elle est montée sur scène, un sac contenant une crotte de chien à la main. "Pourquoi faire des César ? On a réfléchi, on n'a pas trouvé et c'est pour ça qu'on s'est dit que c'était essentiel", a-t-elle lancé avec impertinence. L'actrice a livré un véritable plaidoyer pour la réouverture des salles de cinéma. "Comme [le coronavirus] tue surtout les vieux, on a enfermé les jeunes, fermé les cinémas, les théâtres, les musées et interdit les concerts. En revanche, on a ouvert les églises car on est un pays laïc, pour que les vieux, qui ont eu le droit de sortir de l'EHPAD à Noël, aillent à la messe."

Avant d'ajouter : "et comme, Dieu merci, les salles de spectacles étaient fermées, il y avait moins de flux de gens donc on a dû organiser des gros flux dans les magasins et les centres commerciaux pour qu'on puisse s'offrir à Noël des trucs qu'on a déjà. Trucs qu'on pourra revendre le lendemain sur Ebay parce qu'Amazon, il y en a marre, ça pollue. Tout ça pour soutenir le personnel soignant et pour qu'il y ait du monde en réa parce que, quoi de plus triste qu'un lit vide ?"

"Laissez-nous assouvir notre soif de sens"

Au fur et à mesure de la soirée, les artistes ont appelé à la réouverture des salles. "Mes enfants peuvent aller chez Zara et pas au cinéma… C'est incompréhensible ! On a besoin d'une volonté politique pour que le cinéma continue d'évoluer, vous devez porter cette responsabilité en tant que ministre", a ainsi déclaré, à l'adresse de Roselyne Bachelot, Stéphane Demoustier en recevant le César de la meilleure adaptation pour La fille au bracelet.

Le discours de la comédienne Laure Calamy était encore plus émouvant. "Laissez-nous assouvir notre soif de sens, laissez-nous exulter devant les œuvres d'art, laissez-nous nous exiler dans nos imaginaires, laissez-nous entendre ce qui fait de nous des êtres humains", a supplié, la voix tremblante, celle qui a été sacrée meilleure actrice. 

Vendredi, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a dit comprendre la colère des artistes. Elle a, par ailleurs, évoqué une réouverture des lieux culturels au deuxième trimestre 2021. "Nous sommes en train de bâtir avec la filière les conditions de réouverture de salles", a-t-elle assuré. 

Fathia Youssouf et Jean-Pascal Zadi, meilleurs espoirs

D'autres combats ont été mis en avant vendredi soir. Jean-Pascal Zadi, meilleur espoir masculin pour son rôle dans son propre film Tout simplement noir, a tenu à dénoncer les violences policières. "J'ai envie de parler d'Adama Traoré, j'ai envie de parler de Michel Zecler", a-t-il lancé d'une voix énervée. Le comédien a aussi évoqué plus généralement la problématique du racisme. "Je me pose la question de savoir si certaines humanités comptent lorsque l'on voit aux Antilles l'utilisation du chlordécone, un pesticide interdit en France."

Le racisme avait été largement dénoncé l'année dernière par l'actrice Aïssa Maïga dans une cérémonie très mouvementée. Cette année, deux acteurs noirs ont remporté les César des meilleurs espoirs : outre Jean-Pascal Zadi, Fathia Youssouf est aussi repartie avec la précieuse récompense pour Mignonnes