Dijon : deux veuves victimes "par ricochet" d'essais nucléaires attaquent le ministère des Armées

Depuis 2010, une loi permet l'indemnisation des victimes directes de ces essais nucléaires français.
Depuis 2010, une loi permet l'indemnisation des victimes directes de ces essais nucléaires français. © Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
  • Copié
, avec AFP // Magali Cohen / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Elles souhaitent que le décès de leur mari militaire, qui s'est produit plusieurs années après des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie, soit reconnu comme un préjudice. L'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven) dénonce quant à elle une "carence du droit à réparation".

Deux veuves, se disant victimes "par ricochet" des essais nucléaires français en Algérie et en Polynésie, poursuivent le ministère des Armées mardi devant le tribunal administratif de Dijon, afin de faire reconnaître leur préjudice dû au décès de leur mari militaire. Une loi du 5 janvier 2010 permet l'indemnisation des victimes des 210 essais nucléaires menés entre 1960 et 1996 au Sahara algérien, ancienne colonie française, et en Polynésie.

"Mais elle est limitée car elle n'indemnise que les victimes directes, contrairement aux autres systèmes d'indemnisation fondés dans le cadre de la réparation nationale", comme les victimes d'amiante, d'attentats ou d'accidents de la route, explique Cécile Labrunie avocate de l'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven). "C'est une carence du droit à réparation", estime l'avocate, car les proches, veuves, enfants ou petits-enfants ont subi "un préjudice moral et une incidence matérielle" de la mort du militaire due aux essais.

 

Depuis deux ans environ, "une centaine" de procédures de "victimes par ricochet" ont été lancées devant les tribunaux administratifs. Un seul jugement a pour l'instant eu lieu, concernant trois cas, à Strasbourg. Ce tribunal a estimé qu'il y avait prescription. L'Aven a fait appel. Un autre tribunal administratif, à Bordeaux, doit se prononcer mi-janvier. L'affaire entendue à Dijon est donc la troisième du genre.

"On ne prend pas en compte nos vies complètement chamboulées", estime Michèle Larmier, 80 ans, une des deux veuves, qui dénonce "une injustice". Elle est l'épouse du capitaine de frégate Claude Larmier, décédé en 1995 d'un cancer du colon, qui avait assisté à cinq essais nucléaires en 1968, depuis le porte-avions Clémenceau mouillé à Tahiti. "Quand Claude est mort, sa retraite de 15.000 francs qu'on touchait, est tombée à 3.500 francs", soit l'équivalent de 794 euros, raconte la veuve, dont les traitements pour une leucémie grèvent encore le budget. "On paie les charges et on mange avec ce qu'il reste", a-t-elle expliqué avant l'audience, où elle n'a pu se déplacer.

Également absente, en raison d'une santé fragile, une autre femme attaque le ministère des Armées : Monique Goret, veuve de Gérard, mort en 1999 d'un lymphome. Ce militaire a été chef de chantier à In Ekker, dans le Sahara algérien, lors du grave accident du 1er mai 1962 où l'essai nucléaire Béryl a fait exploser la montagne où il était censé être confiné, contaminant des centaines de personnes. Au total durant les décennies d'essais nucléaires français, quelque 150.000 civils et militaires ont été touchés selon l'Aven.