Le procès en appel de l’attentat de la promenade des Anglais à Nice s’ouvre ce lundi. 1:31
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Frédéric Michel, et AFP / Crédits photo : Benoit PEYRUCQ / AFP , modifié à
Le procès en appel de l’attentat de la promenade des Anglais à Nice, le 14 juillet 2016, s’ouvre ce lundi. Deux accusés, condamnés en première instance à 18 ans de réclusion criminelle, pour association de malfaiteurs terroriste, comparaissent devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Le procès en appel de deux proches de l'auteur de l'attentat au camion-bélier qui a fait 86 morts, dont une quinzaine d'enfants, sur la promenade des Anglais de Nice le 14 juillet 2016 débute lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris. La cour, présidée par Christophe Petiteau, un magistrat rompu aux affaires de terrorisme, devra confirmer ou infirmer la culpabilité de Mohamed Ghraieb, Franco-Tunisien de 48 ans et de Chokri Chafroud, un Tunisien de 44 ans, condamnés tous deux en première instance à 18 ans de réclusion criminelle (sur 20 ans encourus) pour association de malfaiteurs terroriste (AMT). Sur les huit personnes condamnées en première instance pour ce chef, seuls Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud ont fait appel.

En rendant son verdict, la cour de première instance avait estimé qu'ils avaient participé au projet criminel de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel notamment en circulant avec lui à bord de son camion, quelques jours avant l'attentat. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un chauffeur-livreur tunisien de 31 ans au caractère instable, a été tué par la police le jour de l'attaque.

Pour les parties civiles, "ce nouveau procès est une nouvelle épreuve"

Plus de 2.500 personnes se sont constituées parties civiles. Parmi elles, 230 ont prévu de s'exprimer à la barre. "Tout a été dans ce dossier mensonge et dissimulation, sur des détails comme sur des éléments importants, du début jusqu'à la fin", estime Maître Philippe Soussi, avocat de plusieurs dizaines de parties civiles, au micro d'Europe 1. "J'ai toujours l'espoir qu'un procès, par l'oralité du débat, puisse apporter de nouveaux éléments. Peut-être que celui-là en apportera d'autres", veut-il croire.

Et l'avocat de poursuivre : "Là, nous aurons les deux protagonistes essentiels, avec la possibilité de se polariser sur leur responsabilité. J'ai beaucoup d'espoir par rapport à cela". Maître Philippe Soussi confie également que pour ses clients, "c'est une chose difficile de revivre un deuxième procès. Un deuxième procès est un nouveau procès. Parmi les dizaines de personnes que je représente, ce nouveau procès est une nouvelle épreuve".

Contrairement à ce qui s'était passé au premier procès, ni François Hollande ni Bernard Cazeneuve, à l'époque président de la République et ministre de l'Intérieur, ne devraient en revanche témoigner. "Les victimes attendent principalement que la cour d'appel confirme les condamnations, voire aille au-delà concernant le quantum des peines", a indiqué à l'AFP l'avocate niçoise Me Olivia Chalus-Penochet qui représente plusieurs parties civiles.

Les avocats des deux accusés plaideront l'acquittement

Comme lors du procès en première instance, l'audience sera filmée et enregistrée pour les Archives. Une web-radio, en plusieurs langues, permettra aux parties civiles qui ne peuvent se rendre à Paris de suivre les débats en léger différé. Il sera également possible de suivre le procès en visio depuis Nice. En première instance, les deux accusés ont toujours proclamé leur innocence, affirmant tout ignorer des projets criminels de leur compatriote. Leurs avocats ont indiqué à l'AFP qu'ils plaideront l'acquittement.

"Notre client clame son innocence depuis presque huit ans. Bien qu'usé par une détention longue et éprouvante, ce procès en appel est l'ultime opportunité pour lui d'enfin se faire entendre. C'est aussi l'occasion pour la justice antiterroriste française de démontrer qu'elle est capable de discernement, et (...) d'acquitter lorsque le dossier semble l'imposer, malgré la pression médiatique et populaire et la douleur des victimes", ont confié à l'AFP les avocats de Chokri Chafroud, Maîtres Martin Méchin et Chloé Arnoux.

"Notre client n'a eu de cesse de clamer son innocence. Le principe même d'une condamnation est parfaitement inenvisageable", ont indiqué de leur côté les conseils de Mohamed Ghraieb, Maîtres William Bourdon, Vincent Brengarth et Jim Villetard qui s'attendent "à un procès difficile où la tentation du préjugé pourrait être grande". Mohamed Ghraieb, qui avait comparu libre en première instance, a fait plusieurs grèves de la faim après son incarcération à l'issue du procès le 13 décembre 2022 "mettant sérieusement sa santé en péril", selon Vincent Brengarth.

Ces zones d'ombre qui demeurent

Le premier procès n’a pas permis de répondre à toutes les questions. De nombreuses zones d’ombre demeures. Est-ce qu’un second attentat était en préparation ? Le terroriste a-t-il incriminé volontairement ses amis et pour quelles raisons ? La jalousie, la folie comme s’est défendu Mohamed Ghraieb, ou alors par ce qu’ils ne l’ont pas rejoint ce soir-là ? Dans les jours et les heures qui ont précédé le carnage, Lahouaiej Bouhlel rencontre Chafroud et Ghaieb à plusieurs reprises, leur montrant même le funeste 19 tonnes blanc qu’il lancera dans la foule.

L'attentat de Nice a été le deuxième attentat le plus meurtrier commis en France après les attaques menées contre le Stade de France, la salle de concerts du Bataclan et des terrasses de bars et restaurants à Paris, le 13 novembre 2015. Avant les faits, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel était plus connu pour des actes de violence, notamment contre son épouse, que pour sa proximité avec la mouvance jihadiste.

Le soir du 14 juillet 2016, il avait délibérément foncé au volant d'un camion de 19 tonnes dans la foule réunie pour assister à un feu d'artifice. Avant d'être neutralisé par la police, il a tué 86 personnes, dont 33 de nationalité étrangère, et en a blessé plus de 450. Cette attaque avait été revendiquée, deux jours après les faits, par l'organisation Etat islamique (EI). L'enquête n'a cependant pas permis d'établir un lien direct entre l'attentat et l'organisation djihadiste. Cette revendication "paraît être davantage une revendication de pure opportunité", a conclu l'enquête. Le procès est prévu jusqu'au 14 juin.