Le Belle et la Bête, une légende née d'une Française

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La Belle et la Bête, nouveau film de Disney, s'annonce comme un véritable succès. Une histoire qui remonte au 18ème siècle, que l'on doit à une Française, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont.

Une cape rouge, un masque de poils, une créature hideuse et rugissante : la Bête. Un prince ensorcelé, victime d’une fée et d’un dérèglement hormonal. L’hypertrichose, le syndrome du loup garou, la maladie des femmes à barbe. Un monstre enfermé dans son château noir et dans son animalité. Une robe d’or, un visage très doux, un cœur très pur. Une jeune femme, brune ou blonde, selon les versions, toujours pleine de grâce et de vertus : la Belle. Une captive volontaire, le sacrifice d’une fille pour sauver son père. Le syndrome de Stockholm. La Belle tremblante au début… La Belle qui sauvera la Bête à la fin.

Une rose, un miroir… Le début d’une histoire, racontée, il y a très longtemps, par une dame française à des jeunes filles anglaises, pour leur apprendre à vivre. 1756, la naissance de Mozart, Louis XV qui déclare la guerre à l’Angleterre, elle durera 7 ans. Jeanne-Marie Leprince de Beaumont est préceptrice dans une grande famille aristocratique londonienne. Une sorte de Mary Poppins, d’origine rouennaise, aussi cultivée que spirituelle, adorée des trois jeunes filles dont elle a en charge l’éducation.   

Pour les instruire, leur apprendre la géographie, les mythes, les sciences, la philosophie, la religion, la morale… Cette immigrée deux fois divorcée, venue à Londres pour gagner sa vie, leur raconte des récits de l’Ancien Testament et de très vieux contes, qui remontent, comme beaucoup, à l’antiquité. Parmi eux : La Belle et la Bête, une histoire dont on retrouve les premières traces dans l’un des textes des Métamorphoses d’Apulée, un poète-philosophe romain du 2ème siècle. Un conte que Mme de Beaumont a trouvé dans un recueil de nouvelles précieuses publié quelques années plus tôt. Un livre, passé totalement inaperçu, écrit par une autre française, une certaine Gabrielle Suzanne de Villeneuve, qui tenait l’histoire de la Belle et la Bête, de l’une de ses femmes de chambre. 

Cet être effrayant mi-homme, mi-sanglier, son adorable prisonnière qui va découvrir sous la couverture de poils de son geôlier, l’amour le plus beau, le plus rare. Un conte édifiant. Remarquable, selon Madame de Beaumont, pour mettre en garde ses jeunes protégées anglaises contre les apparences trompeuses de l’existence, le faussement beau et les falsifications du sentiment. Les éveiller au contraire, aux élans sincères, à la poésie du cœur, à l’Amour véritable. Un conte que Mme de Beaumont va remanier, simplifier, qu’elle va s’approprier et qu’elle va publier, avec d’autres petites histoires, dans un livre intitulé le Magasin des Enfants. Un succès immédiat et considérable dans toute l’Europe des Lumières. Il sera traduit en 12 langues et connaîtra plus tard, pas moins de 130 éditions en français. Un Magasin des Enfants, comme un manuel d’éducation, archi novateur au 18èmesiècle, qui servira, longtemps, de vadémécum à toutes les gouvernantes et autres nounous intellectuelles du Vieux Continent.

C’est cette version de La Belle et la Bête, celle de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, que nous connaissons aujourd’hui. Celle-là même qui a inspiré Jean Cocteau et les Studios Disney. Sur sa lancée, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, publiera d’autres magasins : Le Magasin des Adolescentes, Le Magasin des Dévotes, ou encore celui des Pauvres, des Artisans, des Domestiques et des Gens de la campagne. Des opuscules pédagogiques qui, sans jamais faire sa fortune, rendirent, en son temps, cette petite normande, presque aussi célèbre que Voltaire ou Diderot. Entre ses différents « Magasins », ses Lettres, ses Contes Moraux et ses Mémoires, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont aura écrit plus de 70 ouvrages, tout au long d’une vie qui s’est éteinte en 1780, près d’Annecy, en Haute-Savoie. La Dame Française, comme on l’a surnommait à Londres, avait près de 70 ans. Son corps n’a jamais été retrouvé.

Jeanne-Marie Leprince de Beaumont laissera derrière elle, des livres et un écrivain : Prosper Mérimée, son arrière-petit-fils, l’auteur de La Vénus d’Ille, de Colomba et de Carmen, dont Bizet fera son grand Opéra. Mérimée, qui racontait à ses enfants que son imaginaire était né dans un château Fantastique, le château de la Bête et la Belle. L’Amour rédempteur, le Monstre transfiguré, le triomphe du clair sur l’obscur, de la beauté sur la bestialité, de l’esprit sur le corps. La Belle et la Bête, un conte initiatique.