Israël, le modèle de "start-up nation" dont la France veut s’inspirer

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Le festival de l'innovation de Tel Aviv avait lieu cette semaine en Israël. © Grégoire Martinez / Europe 1
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, à Tel Aviv (Israël) , modifié à
Europe 1 est allé à la rencontre des entrepreneurs israéliens et des responsables qui favorisent l'investissement dans le pays.

Faire de la France la deuxième "start-up nation" (derrière les Etats-Unis) à la place d’Israël, c’est l’objectif qu’Emmanuel Macron a répété à plusieurs reprises. Mais la tâche ne sera pas simple, car les atouts de l'état hébreux sont nombreux. Europe 1 est allé à la rencontre des start-up israéliennes pour comprendre ce qui fait le succès du pays.

Une innovation poussée par l’État

"Google, Facebook, Apple, Amazon, Microsoft, Alibaba… tous les grands groupes du numérique ont installé des bureaux en Israël", se réjouit auprès d’Europe 1 le président de l’autorité israélienne chargée de l’innovation. "Au total, neuf des dix plus grandes entreprises mondiales sont implantées ici. Elles viennent en Israël pour l’écosystème que nous avons créé", poursuit-il. "Nous", car dans le pays l’innovation n’est pas simplement réservée au secteur privé. 

L’autorité de l’innovation se charge notamment d’aider les spécialistes étrangers à s’implanter dans le pays, comme le fait la France depuis le printemps 2017 avec le French Tech Visa. Objectif : avoir à disposition suffisamment de développeurs et de professionnels pour compléter les effectifs des jeunes pousses. Et ça marche. "Ici, ça n’a rien à voir avec San Francisco ou New York, c’est beaucoup plus simple de trouver des développeurs qualifiés", confirme le responsable du développement de Kaltura, une entreprise spécialisée dans la vidéo basée à Tel Aviv.

Des financements (trop) faciles à trouver

Surtout, pour résoudre les problèmes de financement des start-up, leur plus grand défi, le pays incite les investisseurs en capital risque à s’installer. Au total, les entreprises ont levé 5,2 milliards de dollars en 2017. L’autorité d’innovation investit également dans des entreprises. "Contrairement aux investisseurs traditionnels, nous ne prenons pas de parts dans le capital des start-up. En revanche, quand leur projet fonctionne nous leur demandons 3% des recettes", indique-t-elle. Le système est incitatif. A tel point que certains regrettent qu’il soit même trop facile de se financer. "Cela peut encourager les créateurs à vendre leur start-up trop rapidement", déplore le patron d’un incubateur de Tel Aviv.

Les écoles du pays se sont également adaptées ces dernières années pour former toute une génération d’entrepreneurs et de spécialistes en informatique. Malgré cela, seuls 8% des israéliens travaillent aujourd’hui dans le secteur. "C’est notre gros défi pour les prochaines années", reconnait le président de l’autorité d’innovation, "nous voulons former tout le monde". "Mais la technologie représente déjà 43% de nos exportations", se félicite-t-il.

En pointe sur la mobilité et la cyber-sécurité

Le tout fonctionne aussi en raison de la culture du pays. "Ici, les gens ont l’esprit d’entreprise et d’entre-aide. Personne ne vous refusera jamais un contact et on vous propose même de vous mettre en relation avec la personne", explique à Europe 1 un startupeur français implanté à Tel Aviv depuis près d’un an. "Si votre start-up ne marche pas, ce n’est pas vu comme un échec. Au contraire, vous avez essayé", poursuit-il en référence aux déclarations d’Emmanuel Macron qui avait déploré la vision des Français sur les entrepreneurs, lors de sa visite au CES de Las Vegas en 2015.

Si les start-up israéliennes sont présentent dans presque tous les domaines, deux sont particulièrement reconnus : la cyber-sécurité et la mobilité. Concernant la cyber-sécurité, l'Etat favorise par exemple le lien entre l'armée, les écoles et les start-up. Résultat : certaines font office de modèle, comme Biocatch réputée pour ses capacités à détecter les tentatives fraudes en ligne. Concernant la mobilité, l’application Waze, rachetée par Google et MobilEye (véhicules autonomes), rachetée par Intel, sont citées en exemple.

 

 

Passer à l’heure de la "digital diplomacy". Pour parfaire sa réputation, le pays mise aussi sur la "digital diplomacy" ou diplomatie numérique. Une équipe de dix diplomates détecte les "bulles de filtre" - ces espaces sur les réseaux sociaux où les conversations sont biaisées par de petits groupes - avant de pousser les réseaux sociaux à les supprimer. "Pour les réseaux sociaux, tant que les gens qui discutent entre eux sont d’accord il n’y a pas de problème. Si vous avez un groupe qui dit qu''il faut mettre tous les immigrés hors d’Europe', si tout les membres sont d’accord, les réseaux sociaux ne font rien. Mais c’est tout de même quelque chose de condamnable et de nuisible", avance Elad Ratson, directeur de la recherche et du développement au ministère des Affaires étrangères. Des accusations que réfutent les réseaux sociaux qui souhaitent conserver leur indépendance vis-à-vis des États. Une fois ces bulles de filtre repérées, le système d’intelligence artificielle développé par le pays va publier des idées contraires dans le groupe. "Cela entraîne de fortes réactions des premiers membres et attire l’attention des réseaux sociaux qui vont donc supprimer ces propos", conclut le diplomate.