Ultras du PSG, le chant du retour ?

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Les ultras du PSG, ici sur la place du Trocadéro en mars 2016, souhaitent supporter leur équipe à fond. © Geoffroy Van der Hasselt / AFP
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avec AFP, J.F. et S.R. , modifié à
LIGUE 1 - Jugés indésirables au début de la décennie, les supporters ultras espèrent réinvestir le Parc. Ils ont des soutiens. Mais aussi des opposants.

Lors de son entrée en jeu à la 72ème minute de jeu contre Dijon, mardi soir (3-0), Blaise Matuidi a été accueilli par l'ovation du Parc des Princes. Il ne s'agissait non pas de saluer son engagement de tous les instants (ou pas seulement), mais son apparition dans une vidéo, mise en ligne samedi dernier. Certes, cette courte vidéo est mal cadrée, mal éclairée, mais l'essentiel n'est pas là. Répondant à un membre du Collectif Ultras Paris (CUP), le n°14 du PSG insiste : "Faut que vous (les ultras) reveniez, on vous attend, en tout cas, on a kiffé le dernier match et j'espère qu'au Parc, vous allez revenir. C'est vrai que, sans vous, c'est difficile au Parc. On a besoin de vous ! On sera avec vous."

Blaise Matuidi réclame un retour des ultras :

Le "dernier match" dont parle Matuidi, et qu'il a "kiffé", c'est Caen-PSG. Comme cela avait déjà été le cas en début de saison, à Monaco, les ultras parisiens s'étaient déplacés en nombre. Autorisés au dernier moment par les pouvoirs publics (et pas par le PSG) à créer un "contre-parcage" (c'est-à-dire un parcage différent de celui traditionnellement réservé aux supporters adverses), ils avaient mis l'ambiance - sans créer d'incident - et profité du scénario du match (6-0 pour le PSG).

Les ultras parisiens chantent à Caen :

Par le passé, certains joueurs, et Matuidi le premier, avaient déjà regretté le manque de passion autour du club de la capitale, notamment au Parc des Princes, mais jamais un joueur du club n'avait autant clairement pris position pour un retour des ultras, mis à l'écart depuis l'entrée en vigueur, en 2010, du plan Leproux, du nom de l'ancien président du PSG.

Un Parc sans groupe ultra depuis six ans. Quelques mois après la mort, en marge d'un PSG-OM,  d'un supporter issu du Kop de Boulogne, frappé par des membres et sympathisants du Virage Auteuil, Robin Leproux avait pris des mesures fortes, dont le placement aléatoire pour les anciens abonnés des virages du Parc des Princes. À l'été 2011, le PSG était revendu à Qatar Sports Investments, qui n'avait sans doute pas vu d'un mauvais œil cette vaste opération pacification du Parc, après plusieurs années de polémique (le mort d'un supporter en marge de PSG-Hapoël Tel-Aviv en 2006, l'affaire de la banderole anti-Ch'tis en 2008…). Depuis l'arrivée de QSI, les choses n'ont pas évolué et l'ambiance au Parc des Princes, autrefois incandescente, n'a jamais redécollé, au grand dam du… président du PSG en personne. À plusieurs reprises, Nasser Al-Khelaïfi a regretté le "manque d'ambiance" dans l'enceinte de la porte d'Auteuil, surtout perceptible en Ligue 1.

Rendez-vous calé avec la direction du PSG. Après plusieurs années de défiance, la direction du PSG semble désormais plus encline à discuter avec les ultras. Le directeur général délégué du club, Jean-Claude Blanc, avait effectué un premier pas vers le CUP en juin dernier, d'après le quotidien L'Équipe. Et, dans un communiqué publié le 12 septembre sur sa page Facebook, ce CUP, qui se présente comme un collectif composé de "groupes dit 'contestataires' et issus du Virage Auteuil encore actifs", et qui revendique 1.500 adhérents, a indiqué que "les dirigeants du PSG se sont enfin engagés à recevoir le Collectif Ultras Paris ainsi que l'Adajis", l'association de défense et d'assistance juridique des intérêts des supporters, "dans les deux semaines qui viennent".

"Ce n'est pas parce qu'il y a une ouverture de discussions que (le retour au Parc, ndlr) sera fait demain", prévient le président du CUP, Romain. Interrogé par Europe 1 sur sa motivation, ce supporter, qui ne souhaite pas donner son nom de famille pour des raisons professionnelles, confie : "Ça nous fait mal au cœur, nous, ce qui se passe au Parc des Princes. On y allait depuis tout petit et on avait toujours un œil sur ce qui se passait dans les tribunes, même en étant enfant. Si on peut essayer de leur apporter (aux joueurs) ce petit truc qui manque au Parc des Princes, tout le monde y sera gagnant. Là, on est prêt à redevenir la fierté du PSG."

Un PSG-Lyon en 2009, ça ressemblait à ça :

Mardi, contre Dijon, et comme c'est le cas depuis quelques mois maintenant, ils ont été quelques centaines à chanter mais aussi à revendiquer avec le désormais célèbre leitmotiv "Liberté pour les ultras !". Interrogé sur l'ambiance au Parc des Princes, le jeune gardien parisien Alphonse Aréola, a refusé de s'engager : "Moi, j'ai connu les deux (ambiances)", a-t-il reconnu au micro d'Europe 1. "Ce sont des discussions qu'ils (les membres du collectif) vont avoir avec les dirigeants. Ce n'est pas à moi de discuter de ça. Ce n'est pas moi qui vais m'exprimer sur le sujet." Preuve que les langues parisiennes ne se délient pas facilement sur ce sujet…

Des réticences au sein du club. Ce match face à Dijon a montré que la grande réconciliation n'était effectivement sans doute pas encore pour "demain". Quatre leaders du CUP, dont Romain, ont en effet été priés de quitter leur place en virage pendant la rencontre. "La sécurité du PSG a tenté de sortir quatre des leaders du collectif, après vérification des places, valables bien sûr", a témoigné Romain. "On nous a annoncé que le seul motif valable était la volonté du responsable sécurité (du PSG) Jean-Philippe d'Hallivillée. Nous avons décidé de filmer ce qu'il se passait." Sollicitée par l'AFP, une source au sein du PSG a assuré qu'il ne s'agissait que de "vérifications d'identité", à la suite desquelles les personnes contrôlées en tribune Auteuil, qui ne sont pas interdites de stade, ont pu continuer à suivre le match.

Monsieur sécurité du PSG, Jean-Philippe d'Hallivillée, qui serait donc à l'origine du "contrôle d'identité" de mardi soir, s'oppose depuis longtemps au retour des ultras au Parc des Princes. Et les incidents qui ont accompagné la fête du titre de champion de France au Trocadéro, en mai 2013, à laquelle ont participé d'anciens ultras, ont apporté de l'eau à son moulin. L'autre ennemi intime des ultras parisiens est Antoine Boutonnet, le responsable de la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), "ultra-sceptique" lui aussi. Le retour des ultras au Parc des Princes ? "Une vraie fausse bonne idée", avait-il estimé en juin dans les colonnes de L'Équipe. "Au PSG, ambiance a souvent rimé avec violence. Personne ne comprendrait que le club revienne en arrière après avoir solutionné ce grave problème. Il faut arrêter avec les énièmes chances données." On se doute aussi que le ministère de l'Intérieur, dont dépend la DNLH, souhaite éviter tout nouveau dossier épineux au niveau sécurité, alors que la France vit toujours sous le régime d'État d'urgence…

Opposition au sein du club, réticence au sommet de l'État, mais aussi climat de défiance généralisée envers les ultras partout en France, avec multiplication des arrêtés préfectoraux interdisant des déplacements : une chose est sûre, le retour des ultras au Parc des Princes, s'il a eu lieu, ne se fera pas dans la plus grande des sérénités. Il faudra également que le club gère la cohabitation entre ces supporters dévoués à leur club - et souvent à l'origine, en dehors des tribunes, d'actions dans le milieu associatif, comme ce dimanche, avec un appel à manifester dans le cadre de la journée de lutte contre la mucoviscidose - et les personnes qui viennent "simplement" au Parc des Princes pour assister à un spectacle. Il suffit de parcourir les forums pour se rendre compte que ces deux groupes ne sont pas dans la même logique.

Et l'on ne parle même pas des conflits de génération entre ultras ou des risques que les anciennes inimitiés, sociologiques et politiques, qui avaient opposé Boulogne et Auteuil, ne ressurgissent, même si le CUP est très vigilant sur cette question ("On ne veut ni discrimination, ni violence, ni politique", assure Romain). Tous ces problèmes potentiels, les dirigeants du PSG doivent y penser, quand tout le monde, y compris eux, aimerait ne rêver que d'animations en tribunes, de tifos géants et de chants assourdissants…