"The Program" : la chute du "parrain" Lance Armstrong

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Le film de Stephen Frears, qui sort mercredi en salles, retrace avec maestria les mensonges du plus célèbre dopé de l'histoire du cyclisme.

Un espoir du cyclisme fauché par le cancer, la guérison puis le retour au plus haut niveau avant un triomphe mondial : l'histoire de Lance Armstrong était belle. Trop belle, même. Le film The Program, qui sort mercredi en salles, dresse un portrait acide du champion cycliste, déchu de ses sept Tour de France (1999 à 2005) pour dopage. Réalisé par le Britannique Stephen Frears (The Queen, Les Liaisons Dangereuses), cette adaptation rythmée et passionnante du livre Les sept pêchés capitaux, du journaliste du Sunday Times David Walsh, nous plonge dans les abîmes du peloton de l'époque Armstrong.

Le miraculé menteur. Champion du monde surprise en 1993 à Oslo, le Texan est un espoir du cyclisme quand il est fauché par la maladie. L'Américain, interprété par l'impressionnant Ben Foster (Six Feet Under, X-Men : l'affrontement final), doit affronter un cancer et se retrouve à deux doigts de la mort. Par miracle, Lance Armstrong s'en sort, au prix d'une lutte acharnée et émouvante filmée par Stephen Frears. Mais rapidement, le miraculé laisse place à un animal à sang froid, impavide et glacial. Le réalisateur prend alors le parti d’embarquer le spectateur non pas dans un film de sport, mais dans un véritable thriller centré sur les "crimes" d’un Armstrong sans foi ni loi.

Un "programme" de dopage scientifique. Pour parvenir à ses fins, l’Américain sollicite les conseils du docteur Michele Ferrari, "pape" du dopage sanguin. Sans produit illicite, "vous serez bon, pas un champion", lui assène l'Italien. Le médecin, campé par un surprenant Guillaume Canet, transforme alors l'ancien malade en une machine à pédaler, à coups de transfusion sanguine et d'injections d'EPO, comme une bonne partie du peloton des années 1990-2000.

Un "programme" de dopage minutieux, scientifique se met alors en place avec la complicité de l'Italien et du fidèle manageur d'Armstrong, le Belge Johan Bruyneel, interprété par Denis Ménochet (La Rafle, Inglourious Basterds). Pour parvenir à son but ultime, gagner le Tour de France, peu importe les méthodes. Peu importe que la légende du miraculé devenu champion repose sur des mensonges. Mais plusieurs journalistes, dont David Walsh, personnage pivot du film (joué par l'Irlandais Chris O'Dowd), ne croient pas en cette fable.

Le mauvais samaritain. Dans le film, l'Américain ne sourcille pas à la moindre accusation, comme un véritable professionnel du crime. Maître absolu de sa communication, il assure au journaliste David Walsh, impassible et droit dans les yeux, qu'il est "propre" et qu'il n'a "jamais été contrôlé positif". S'en suivent un règne de sept ans, sept Tour de France d'affilée jonchés de poches de sang et la starisation.

Icône médiatique et marketing, Lance Armstrong enchaîne les publicités et se dévoue corps et âme à son engagement dans la lutte contre le cancer à travers sa fondation, "Livestrong". La maladie, encore elle, humanise le tyran du peloton, bouleversant quand il se rend au chevet d'un jeune cancéreux. Mais hormis cette rare scène d’humanité, le Texan est dépeint, à la limite de la caricature, comme un Don Corleone des pelotons.

Le "parrain" du peloton. Stephen Frears retrace avec précision les méfaits du "parrain" du peloton, implacable mafieux sur deux roues. L'omerta d'abord, quand Armstrong menace le coureur italien Filippo Simeoni, coupable d'avoir témoigné contre "son" docteur Michele Ferrari. Ou encore quand les plus hautes instances du cyclisme mondial le protègent, malgré un test positif, car oui, Armstrong n’aurait rien pu faire sans la complicité et la bienveillance de tout un système. Sa main de fer, ensuite, quand le Texan prend sous son aile un jeune équipier du nom de Floyd Landis et le force à suivre scrupuleusement ses instructions de dopage, comme l'ensemble de son équipe, l'US Postal.

Mais, ironie suprême, le "Programme" enfante lui-même son bourreau. Landis, convaincu de dopage en 2006 après avoir à son tour remporté la Grande Boucle, brise le silence. Stephen Frears met alors en scène un duel un brin manichéen entre les anciens partenaires aux caractères si opposés, le charismatique et autoritaire Armstrong et le discret et tourmenté Landis. Ce dernier, incarné par Jesse Plemons, se transforme en repenti, confessant ses crimes et contribuant à la chute de l'ancien Empereur du peloton. Même le plus sophistiqué des programmes n'est pas infaillible.