Anesthésier son pied peut-il être assimilé à du dopage ? 2:50
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Virginie Phulpin , modifié à
Rafael Nadal rentre chez lui à Majorque, avec sa 14e coupe des Mousquetaires dans ses bagages. Mais pour notre éditorialiste Virginie Phulpin, l’Espagnol a quelque chose de plus lourd à porter : la polémique sur les infiltrations pour soulager son pied. Il n’a rien fait d’illégal, mais on peut s’interroger sur ces pratiques.
EDITO

Ça devient difficile de profiter d’un moment de sport, d’admirer une performance sans que la polémique ne s’en mêle. Le 14e titre de Rafael Nadal à Roland-Garros a très vite été suivi de suspicions. "C’est mieux que tu ne le saches pas", répond le joueur quand une journaliste lui demande combien d’infiltrations il a reçu pendant le tournoi pour soulager son pied douloureux.

Rafael Nadal, un "dopé" ?

Infiltration, c’est presque un gros mot. Dès qu’il est prononcé, on ne pense pas à un médicament ou à un traitement, on pense dopage. Une seringue plus un sportif égale tricherie. Évidemment, cela interpelle, être obligé de recevoir des infiltrations en permanence pour pouvoir jouer, on doit se poser des questions, c’est légitime.

Mais de là à traiter Rafael Nadal de "dopé", il y a un monde. Que sont ces infiltrations ? Un anesthésiant local, c’est-à-dire un produit qui agit directement sur la zone voulue, en l’occurrence les nerfs de son pied, pour les insensibiliser. Il se trouve que ça n’est pas du dopage, c’est autorisé au tennis et dans d’autres sports comme le football.

Rafael Nadal n’a donc rien fait d’illégal, il n’a pas utilisé de produit interdit. Vous imaginez bien que si c’était un produit illicite, il n’en aurait pas parlé pendant toute la quinzaine avec le plus grand naturel du monde. 

Il y a deux poids, deux mesures dans la lutte contre le dopage

Ce qui a mis le feu aux poudres après le sacre de Rafael Nadal, c’est la réaction de Thibaut Pinot. Le cycliste y est allé de son tweet ironique : "Ah, les héros aujourd’hui". On peut comprendre son agacement parce que le cyclisme et le tennis ne sont pas logés à la même enseigne. L’anesthésiant dont on parle est interdit sur les vélos depuis une bonne dizaine d’années, alors qu’il est légal sur les courts de tennis. Un vrai problème, une différence de traitement.

Il faut dire que le cyclisme a été tellement touché par les problèmes de dopage que la lutte y est plus acharnée qu’ailleurs. Cachez-moi cette seringue que je ne saurais voir. J’évoquais le foot tout à l’heure, on a aussi un exemple célèbre de joueur qui rentre régulièrement sur le terrain par la grâce des infiltrations, c’est Zlatan Ibrahimovic. Sinon, il ne pourrait pas jouer.

Des anesthésiants sans danger ?

Pourquoi ne pas homogénéiser la liste des produits interdits ? Les mêmes dans tous les sports. Cela éviterait ce genre de polémique, cela permettrait d’avoir une égalité de traitement. Et puis, cela préserverait aussi la santé des sportifs. Ces anesthésiants ne sont pas sans danger. Rafael Nadal l’a dit, il ne recommencera pas ce traitement pour Wimbledon. Ça veut bien dire que ce n’est pas anodin. Le risque, c’est notamment d’endommager ces nerfs et de créer encore plus de douleur. Que faire après ? Augmenter la dose ? Le cas de Nadal doit amener une réflexion. En revanche, taper sur un joueur qui n’a rien fait d’illégal, non.