Mondial de handball : Allemagne-France, une affiche à la saveur particulière

Luc Abalo au Mondial 2019 (1280x60) Odd ANDERSEN / AFP
Luc Abalo est l'un des deux joueurs, avec Michaël Guigou, qui va jouer cet Allemagne-France, douze ans après celui resté célèbre de 2007. © Odd ANDERSEN / AFP
  • Copié
avec Christophe Lamarre, à Berlin , modifié à
Les Bleus, invaincus depuis le début du tournoi, affrontent le pays hôte, mardi soir. Un choc important, à la saveur toujours aussi singulière.

Après avoir signé trois victoires en autant de matches depuis le début de ce  championnat du monde 2019 (Brésil, Serbie et Corée), l'équipe de France affronte un adversaire autrement plus redoutable, mardi soir (20h30). Les Bleus défient en effet l'Allemagne, l'un des deux pays hôtes de la compétition, à Berlin.

Comme c'est le cas dans d'autres sports, Allemagne-France est une affiche à la saveur particulière. "Je peux juste vous annoncer que ce sera chaud bouillant et que ce sera juste énorme en termes d'événement de pouvoir à nouveau vivre un France-Allemagne à Berlin. Et je me réjouis à l'avance de pouvoir participer à cet événement-là parce que ça va être du lourd", a estimé au micro d'Europe 1 Guillaume Gille, entraîneur adjoint des Bleus.

La demi-finale de 2007, un souvenir douloureux…

Les footballeurs ont Séville 1982, les handballeurs ont Cologne 2007. Comme leurs homologues du football, qui avaient été sortis en demi-finales de la Coupe du monde 1982 par l'Allemagne à l'issue d'un match irrespirable (élimination aux tirs au but après avoir mené 3-1 en prolongation, agression d'Harald Schumacher sur Patrick Battiston, arbitrage très discutable), les handballeurs français ont aussi leur match traumatisme contre la Nationalmannschaft. C'était le 27 janvier 2007, en demi-finales du Mondial. Championne d'Europe en titre, la France avait été battue 32-31 après deux prolongations, à Cologne. Un but de Michaël Guigou, qui aurait permis aux Bleus d'égaliser, avait été injustement refusé par les arbitres à quinze secondes du terme, pour ce qui reste à ce jour comme le dernier Allemagne-France à s'être disputé outre-Rhin.

"On ne peut pas parler de revanche", a estimé Didier Dinart, coach des Bleus et longtemps pilier de la défense tricolore. "Si vous cherchez les joueurs qui ont participé au Mondial 2007, vous n'allez pas en trouver beaucoup." Douze ans plus tard, ils ne sont plus que trois joueurs tricolores à avoir connu cet échec : Michaël Guigou, le buteur malheureux, Luc Abalo et Nikola Karabatic, insuffisamment remis pour le choc de mardi soir. "Les vieux briscards peuvent se souvenir de ce qui s'est passé. L'histoire montre qu'il y a eu peut-être un résultat pas logique, mais moi, j'ai pour habitude de participer aux compétitions sans penser au passé."

Le directeur technique national (DTN) Philippe Bana pense lui au contraire que "quelques-uns vont garder la mémoire de ça", de cette cruelle élimination. "Ça avait été une telle souffrance, à la fois bénéfique, parce qu'elle nous avait permis de rebondir, d'aller plus loin, mais il y en a quelques-uns et je pense à 'Micka' (Guigou) qui aura gardé ça bien au fond de lui et qui le ressortira au bon moment."

… mais un acte fondateur

Comme l'indique le DTN, cette défaite, oui, avait été bénéfique pour le handball français. Pas à court terme, parce que les Bleus avaient été largement battus dans le match pour la médaille de bronze (27-34 contre le Danemark), mais à long terme. Car l'année suivante, les Bleus ont été sacrés champions olympiques pour la première fois, début d'une incroyable série de succès dans les grandes compétitions, avec les titres mondiaux 2009 (acquis en Croatie face au pays hôte en finale) et 2011 mais aussi européen en 2010.

Mais la France a livré d'autres matches fondateurs face à l'Allemagne. En 1995, en demi-finales, les "Barjots" de Daniel Constantini l'avaient emporté 22-20 avant de décrocher le premier titre mondial d'un sport collectif français aux dépens de la Croatie. Six ans plus tard, cette fois en quarts de finale, ils avaient battu la Nationalmannschaft après prolongation (26-23) à domicile, à Albertville. Le deuxième titre mondial, à domicile, était au bout.

L'Allemagne, terre de développement

Du groupe retenu par Didier Dinart pour ce Mondial en Allemagne et au Danemark (la finale aura lieu le 27 janvier à Herning), la grande majorité (12 sur 17) évolue en France. Mais ça n'a pas toujours été le cas. Dans la deuxième moitié des années 1990, c'est le championnat allemand qui fournissait l'essentiel des troupes. Des joueurs comme Jackson Richardson ou Frédéric Volle ont été les pionniers, avant que Nikola Karabatic ou Thierry Omeyer, qui ont tous les deux joué à Kiel, ne leur emboîtent le pas dans les années 2000. Les clubs allemands, comme Kiel mais aussi Hambourg ou Gummersbach, ont accueilli la crème des joueurs français, leur offrant un cadre idéal pour développer leurs qualités athlétiques et leur professionnalisme.

Comme l'explique l'ancien international Laurent Munier, aujourd'hui manager général du club de Chambéry, dans les colonnes de L'Équipe, les gros clubs allemands ont aussi servi de modèle pour leurs homologues français, dans la discipline, mais aussi dans tout ce qui concerne l'expérience spectateurs dans les salles. En vingt ans, et avec l'arrivée, aussi, du Qatar à la tête du PSG, la France a comblé une partie de son retard dans ce domaine et amélioré la compétitivité de ses représentants sur la scène européenne. La saison dernière, le Final four (la finale à quatre) de la Ligue des champions s'est ainsi achevé avec un podium 100% tricolore, Montpellier l'emportant en finale devant Nantes et le PSG, où évolue le capitaine allemand Uwe Gensheimer, prenant la troisième place. Ce Final four avait lieu à la Lanxess Arena de Cologne, là même où le handball français avait tant souffert 21 ans plus tôt…

Une rencontre déjà importante. Si elle n'est pas décisive, cette affiche entre l'Allemagne et la France de mardi soir n'en demeure pas moins essentielle pour la suite de la compétition. En effet, les équipes qualifiées pour le deuxième tour - et la France comme l'Allemagne sont bien parties pour le rejoindre - conservent les points gagnés contre les autres équipes qualifiées.

Une défaite face à l'Allemagne pourrait ainsi contraindre les Bleus à battre la Russie, jeudi, mais aussi vraisemblablement la Croatie et l'Espagne, favorites du groupe B, pour espérer rejoindre le dernier carré de l'épreuve. Ce match est d'autant plus important pour la Nationalmannschaft qu'elle a concédé le nul, lundi soir, face à la Russie, qui occupe actuellement la troisième place du groupe A.