Ligue des champions : l'Étoile Rouge de Belgrade, histoire d'un club aux deux visages

L'Étoile rouge de Belgrade a remporté son plus beau trophée en 1991, face à l'OM, à savoir la Ligue des champions.
L'Étoile rouge de Belgrade a remporté son plus beau trophée en 1991, face à l'OM, à savoir la Ligue des champions. © JACQUES DEMARTHON, PATRICK HERTZOG / AFP
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Opposé au PSG mercredi à 18h55, le club le plus populaire de Serbie effectue son premier déplacement en Ligue des champions depuis 1991-1992, une période faste pour l'Étoile Rouge. Sportivement, du moins.

Qu'on se le dise, l'Étoile Rouge est un club historique. Son palmarès est là pour l'attester : à côté de ses 28 titres nationaux, la "Coupe aux grandes oreilles" garnit fièrement la vitrine de l'équipe la plus populaire de Serbie, contrairement à celle du Paris Saint-Germain, qu'elle affronte justement mercredi soir (coup d'envoi à 18h55) en Ligue des champions.

Une riche histoire en Coupe d'Europe

Cette "Coupe des clubs champions européens", le football français s'en souvient, tant les larmes du Marseillais Basile Boli, comme perdu sur la pelouse du stade San Nicola de Bari, sont depuis passées à la postérité. C'était en 1991, au terme d'un match interminable et d'une séance de tirs aux buts cruelle pour l'OM. Après un échec en finale de la Coupe UEFA 1978-1979, l'Étoile Rouge ("Crvena Zvezda", en version originale) est alors à son apogée, remportant même dans la foulée la Coupe intercontinentale contre le club chilien de Colo-Colo.

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Basile Boli et Abedi Pelé, les larmes aux yeux après leur défaite en finale de C1 contre l'Étoile Rouge © JACQUES DEMARTHON, PATRICK HERTZOG / AFP

Deux ans plus tard, la plupart des talents quittent le navire, la plupart pour aller jouer en Italie, et les Slaves échouent à se qualifier en C1... jusqu'à cette année, donc. Soit 27 ans d'absence dans la compétition reine.

Le club au cœur d'une histoire tragique

L'Étoile Rouge, fondé en 1945 comme le club de la jeunesse communiste et anti-fasciste, avant de devenir rapidement celui de la police - le Partizan Belgrade est celui de l'armée - s'est également trouvé au cœur d'une histoire tragique : celle de l'éclatement de la Yougoslavie, toujours à l'aube des années 1990.

À cette époque, l'unité de l'État vacille, et les tribunes s'en font l'écho. Le futur président Slobodan Milosevic, alors à la tête du Comité central de la Ligue des communistes de Serbie, craint d'ailleurs de voir les supporters de l'Étoile Rouge, les Delije ("héros" ou "braves"), se retourner contre lui.

Chef paramilitaire et criminel ardemment recherché par Interpol, Zeljko Raznatovic, plus connu sous le pseudonyme d'Arkan, est alors chargé, dès 1986, d'infiltrer le groupe, d'en prendre la tête, et de le transformer en milice prête à en découdre, comme le raconte Le Monde dans un récent article.

C'est ce qui arrive le 13 mai 1990. En Croatie, la rencontre entre les Bad Blue Boys du Dinamo Zagreb et quelque 3.000 Delije tourne à l'émeute, quelques semaines après le résultat des élections parlementaires en faveur d'une indépendance de la Croatie. Au milieu des gaz lacrymogènes, 138 personnes sont blessées, par des balles ou des coups de couteaux, selon un bilan officiel.

 

L'image qui reste, c'est aussi celle de Zvonimir Boban, le capitaine du Dinamo, qui envoie un grand coup de pied à un policier en train de molester un de ses supporters. En Croatie, l’événement est même considéré comme le déclencheur symbolique de la guerre d'indépendance croate, qui s'ouvre officiellement en août, et qui se déroule jusqu'en 1995.

Côté serbe, plusieurs joueurs de l'Étoile Rouge, comme Sinisa Mihajlovic, fils d'une mère croate et d'un père serbe et fervent supporter de Milosevic, continuent à soutenir Arkan, y compris après son inculpation en 1997 pour crimes de guerres par le tribunal international de La Haye, et son assassinat en 2000.

Miné par ses hooligans, criblé par les dettes

Aujourd'hui encore, la tribune nord du "Marakana", le stade de l'Étoile Rouge, reste le théâtre de revendications nationalistes, notamment en ce qui concerne le Kosovo. Le hooliganisme atteint des sommets au moment du derby belgradois, l'un des événements les plus redoutés par les forces de l'ordre du pays. En 2015, le match entre le Fudbalski klub Crvena zvezda et le Partizan se solde par un bilan de 35 policiers blessés et 41 "hooligans" arrêtés.

Le président de la Serbie, Aleksandar Vucic, est lui un ardent supporter de l'Étoile Rouge. En 2014, alors qu'il est encore vice-Premier ministre, c'est lui qui annonce le soutien financier apporté par l'État au club, qui a accumulé près de 60 millions d'euros de dettes. Deux ans plus tard, lors d'une visite en France, il en offre le maillot au Premier ministre français Manuel Valls.

Qualifié pour la première fois pour la phase de poules de la Ligue des champions depuis 1991-1992, le club le plus populaire du pays relève doucement la tête sur le plan financier. Et sportif. Après un match nul très encourageant face à Naples (0-0), l'occasion est belle, pour l'Étoile Rouge, de refaire parler d'elle en bien face au PSG. Ses supporters, interdits de déplacement mais nombreux à envisager d'assister au match, seraient bien inspirés de ne pas gâcher la fête.