Neymar : club, sélection, joueur… Qui décide d'une opération ?

Neymar en fauteuil roulant (1280x1280) Claire Dornald Clauzel / Twitter / AFP
Neymar en fauteuil roulant : l'image que les supporters parisiens ne voulaient pas voir. © Claire Dornald Clauzel / Twitter / AFP
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avec C.Bo. , modifié à
Le joueur brésilien est arrivé jeudi au Brésil où il doit se faire opérer samedi, à Belo Horizonte, par le médecin de la sélection brésilienne.

Neymar en fauteuil roulant. C'est l'image que craignaient de voir le PSG et ses supporters après la blessure dont a été victime le Brésilien, dimanche dernier, lors du Classique face à l'OM (3-0). Elle est devenue réalité, jeudi, à l'aéroport de Rio de Janeiro, quand le n°10 brésilien a rejoint via un vol Air France. Neymar doit se faire opérer samedi, à Belo Horizonte, un peu plus au nord du pays, par le médecin de la sélection brésilienne, Rodrigo Lasmar.

"Notre préoccupation, c'est en premier lieu" que Neymar "puisse bien récupérer et qu'il soit disponible pour son club et pour la Seleçao le plus vite possible, c'est notre défi", a insisté le chirurgien orthopédiste devant quelques journalistes à l'aéroport. "Ce n'est pas une simple fissure", comme l'a indiqué le PSG, "c'est une fracture d'un os important au milieu du pied", a-t-il ajouté, tout en cherchant à dissiper les rumeurs de divergences avec le club. "La relation entre le PSG et la Seleçao a toujours été très bonne, nous sommes en contact depuis le début, partageant toutes les informations." La situation, étonnante, amène néanmoins à se poser la question : qui a décidé d'opérer Neymar ?

La voix du père… et de l'agent. Mardi soir, alors que tout le monde attendait que le PSG communique plus précisément sur l'état de santé de Neymar, le père du joueur lâchait sur ESPN Brésil que son fils allait être "absent six à huit semaines". C'en était fini des espoirs de voir la star brésilienne sur la pelouse lors du huitième de finale retour de Ligue des champions face au Real Madrid, mardi prochain (défaite 3-1 à l'aller). "Je ne suis pas médecin, Neymar non plus, le club est seul maître de la décision mais il faut protéger l'avenir du joueur", avait lancé Neymar senior, laissant guère de doutes sur l'issue du dossier : le joueur allait se faire opérer. Le club a confirmé, près de 24 heures plus tard.

"Au terme de ce bilan et en accord avec le joueur, il a été décidé de privilégier l'option chirurgicale", est-il écrit dans le communiqué. "Neymar Jr sera opéré en fin de semaine au Brésil par le Docteur Rodrigo Lasmar accompagné sur place par le Professeur Saillant (Paris Saint-Germain)." Le père a clairement coupé l'herbe sous le pied du PSG. Est-ce si surprenant ? "Ce n'est pas le père de Neymar, c'est l'agent qui parle. Il est brésilien, il vit au Brésil, où la blessure de Neymar a été un événement national, et la préparation de son joueur est essentielle pour la Coupe du monde, donc lui intervient non pas en tant que partisan du PSG mais en tant que Brésilien", souligne Raymond Domenech, ancien sélectionneur des Bleus et consultant pour Europe 1.

" Son père et Neymar étaient davantage pour une opération rapide pour garantir sa présence à la Coupe du monde "

Jean-Pierre Paclet, ancien médecin des Bleus, a été confronté à ce genre de situation quand il était en poste, entre 1993 et 2008. Et il ne voit pas dans le dossier Neymar matière à scandale. "Il y avait deux optiques. Soit jouer la carte de l'attente, voir comment la blessure évoluait, et éventuellement, dans un deuxième temps, l'opérer, avec la possibilité de lui éviter une intervention, et avec aussi comme inconvénient de retarder d'autant sa reprise. La deuxième option, c'était de l'opérer tout de suite, avec une garantie de résultat plus grande. Son père et Neymar étaient davantage pour une opération rapide pour garantir sa présence à la Coupe du monde. Et le but du PSG, ce n'est pas de tant de gagner le huitième de finale contre le Real la semaine prochaine, c'est de gagner la Ligue des champions au mois de mai prochain…"

Le choix de se faire opérer, qui reste à la discrétion du joueur, dépend de contingences sportives, mais aussi parfois contractuelles. "Je me souviens d'un international qui ne voulait pas se faire opérer et qui a décidé d'aller à l'encontre du médecin du club et de son président. Il avait comme raisonnement : j'ai trois ans de contrat donc je peux prendre mon temps pour me faire soigner." Neymar, lui, n'a pas de temps à perdre.

"Que des avantages." Jean-Pierre Paclet n'est pas surpris que la cheville droite de Neymar soit désormais entre les mains du médecin de la sélection brésilienne. Il avait l'habitude à son époque de travailler avec les médecins des clubs. "Ce genre de collaboration ne présente que des avantages. Pour le médecin de la sélection, il s'agit de se tenir au courant de la santé des joueurs potentiellement sélectionnables, et de remonter les informations au sélectionneur, et pour le médecin de club, ça lui permet de faire valider ses options de traitement, dans le cas de décision difficile à prendre, comme c'est le cas ici."

A-t-il été déjà confronté à des tensions avec ses collègues ? "Pas forcément avec des clubs. Ce sont des cultures médicales qui sont parfois très différentes. Il y a ainsi une conception méditerranéenne des traitements médicaux. Je me suis bien entendu avec les médecins espagnols, italiens, portugais, et plus difficilement avec les médecins anglo-saxons, les Anglais, les Allemands. Parce qu'ils étaient beaucoup plus interventionnistes. S'il y a deux possibilités de traitement, médical et chirurgical, ils vont tout de suite vers la chirurgie, alors qu'en France, on considère la chirurgie comme le traitement le plus agressif, et qu'elle doit n'être envisagée qu'avec certitude."

" Tant qu'à se faire opérer, autant qu'il soit là-bas, chez lui, plutôt que d'être à Paris à traîner sa peine "

"Il faut que le malade adhère à son traitement". Le docteur Paclet souligne un élément essentiel : il faut que le joueur, et donc le patient, soit en confiance. "Pour un médecin, être imposé à un joueur est la situation la plus désagréable qui soit. Dans ces cas-là, le traitement n'est pas voué à l'échec, mais il aura de moins bons résultats. Dans la thérapeutique d'une blessure ou d'une maladie, il faut que le malade adhère à son traitement et qu'il y ait des rapports de confiance entre le médecin et son patient." C'est certainement le cas entre Neymar et le docteur Lasmar, qui l'avait notamment suivi lors du dernier Mondial, au Brésil, où il s'était fracturé une vertèbre. Et il est sûr aussi, que Neymar préfère vivre sa convalescence dans son pays plutôt qu'à Paris.

"Tant qu'à se faire opérer, autant qu'il soit là-bas, chez lui, plutôt que d'être à Paris à traîner sa peine et à voir les autres s'entraîner", estime Raymond Domenech. Ce qui n'empêche évidemment pas Paris de suivre son "actif" à 222 millions d'euros. Maxwell, le directeur sportif du club, et le professeur Saillant, collègue et mentor d'Éric Rolland, actuel médecin du PSG, sont attendus à Belo Horizonte.

Pour nos deux grands témoins, il n'y aurait donc pas d'affaire Neymar. Jean-Pierre Paclet admet juste de la maladresse peut-être. "Les différents corps médicaux (du club et de la sélection) se sont réunis et les conclusions sont vite tombées. Il n'y a pas eu bataille. Convoquer une conférence de presse pour éviter les fuites éventuelles et parler d'une seule voix, à 24 heures d'un PSG-Marseille, ça aurait transformé cette blessure en affaire d'État alors que moi, je trouve qu'ils ont au contraire réglé le problème de manière tout à fait naturelle, dans les règles et dans l'intérêt du joueur en tout cas." Reste maintenant à réussir l'opération, qui sera autant suivie à Paris qu'au Brésil.